10/03/17
Pas de légitime défense, mais pas de révocation professionnelle non plus. Rémi Crosson du Cormier, l’avocat général de la cour d’assises de Paris, a réclamé ce vendredi midi cinq ans d’interdiction de port d’arme et cinq ans de prison avec sursis contre l’ancien gardien de la paix de Noisy-le-Sec, Damien Saboundjian, acquitté l’an dernier à Bobigny et rejugé depuis lundi pour avoir tué d’une balle dans le dos un fugitif armé, le 21 avril 2012.
(…) Le Parisien
6/03/17
Un an après avoir été acquitté, le policier Damien Saboundjian comparaît en appel aux assises pour la mort d’un homme en fuite en 2012. Le tir du policier avait atteint la victime dans le dos, le fonctionnaire plaidant la légitime défense. Une version que conteste la famille de la victime.
Peut-il y avoir légitime défense lorsqu’on tue quelqu’un d’une balle dans le dos ? Les jurés de la cour d’assises de Paris ont cinq jours pour trancher. Il y a un an, la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis à Bobigny avait validé l’équation contre l’avis du parquet, acquittant Damien Saboundjian. En 2012, ce gardien de la paix a tué d’une balle dans le dos un fugitif armé pour «sauver sa peau», comme il l’avait expliqué à la barre. Le parquet général a fait appel. Le procès en appel s’ouvre ce lundi pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner».
C’était à Noisy-le-Sec, le soir du 21 avril 2012. Amine Bentounsi, braqueur en cavale, est dénoncé par un appel anonyme. Premiers sur place, les policiers du commissariat local. A leur approche, Amine Bentounsi s’enfuit à toutes jambes, trois fonctionnaires à ses trousses sur lesquels il jette une grenade factice. Le quatrième policier, Damien Saboundjian, dix ans de métier, décide de le prendre à revers, «en mode sandwich». Il fait le tour du pâté de maison avec la Kangoo tricolore. La radio de la voiture ne marche pas, alors il part seul, sans pouvoir en informer personne.
Il retrouve Amine Bentounsi un carrefour de rue plus haut. La suite se termine à pied. Le policier explique avoir été braqué deux fois par le fuyard, avant d’ouvrir le feu à quatre reprises. Une seule balle touche Amine Bentounsi, dans le dos. Il s’effondre. Lui aussi était armé mais n’a pas tiré. L’homicide volontaire, un temps retenu pendant l’instruction, a finalement été écarté. De leur balcon ou leur voiture, les témoins n’ont pas confimé la version du policier. L’expertise balistique, en revanche, n’a pas contrecarré la version du fonctionnaire, estimant que la victime avait pu se retourner entre le moment où le policier avait tiré et celui où la balle le touchait dans le dos.
«La légitime défense ne se présume pas, elle se démontre. Or elle ne l’est pas», persiste Michel Konitz, l’avocat de la famille d’Amine Bentounsi. A Bobigny, l’avocat général était de cet avis. Il avait réclamé pour le gardien de la paix cinq années de prison avec sursis et une interdiction d’exercer, exhortant les jurés à ne pas valider «de permis de tuer». Le verdict avait été rendu dans un climat électrique avec d’un côté les policiers soulagés, exfiltrant leur collègue acquitté par une porte dérobée, et de l’autre, les proches de la victime et collectifs contre les violences policières en colère.
Après l’acquittement, le parquet général a fait appel. «Il y a un nouvel avocat général, un nouveau président, un nouveau jury et une nouvelle loi, moins restrictive encore, sur la légitime défense. Il me paraît difficile de prévoir qu’il soit condamné», avance Me Daniel Merchat, qui défend le policier. Presque 38 ans, Damien Saboundjian est toujours policier, désarmé, en province. Il encourt vingt ans de réclusion.
Un policier jugé aux assises pour avoir abattu un braqueur multirécidiviste en cavale