Tribune de Gérard Miller (psychanalyste, professeur des universités, réalisateur et chroniqueur à la radio et à la télévision) sur les ralliements de personnalités de gauche à Emmanuel Macron. Il déplore que nombre d’électeurs de gauche affirment qu’il faut voter Macron dès le premier tour pour faire barrage à Marine Le Pen.
Gérard Miller a été dans sa jeunesse l’un des dirigeants de la Gauche prolétarienne (maoïste).
Il n’y a rien de plus insupportable que les évidences qu’on veut nous faire gober : qu’il n’y a pas d’autre système possible que le libéralisme, pas d’autre Europe possible que celle d’Angela Merkel, et pas d’autres candidats sérieux que ceux dont les sondages nous disent qu’ils seront au second tour.
Ainsi donc, parmi d’autres hommes de gauche insoupçonnables, Patrick Braouezec, ancien député-maire communiste, « mesurant les conséquences dramatiques d’un second tour droite-extrême droite », vient d’annoncer dans Le Monde, daté du 8 mars, qu’il votera pour Emmanuel Macron dès le premier tour. Et ceci après avoir commencé par ces mots : « Chacun connaît mes convictions et mes engagements ». Je l’avoue : les bras m’en tombent !
Jusque-là, l’élection présidentielle permettait d’appliquer un principe simple, que d’aucuns avaient résumé par une formule : «Au premier tour on choisit, au second on élimine». Sous-entendu : si le candidat qu’on pense être le meilleur n’est pas qualifié au terme du premier tour, on peut éventuellement voter au second pour celui qui semble un moindre mal, mais après avoir commencé en tout cas par voter «selon ses convictions et ses engagements». Comme beaucoup à gauche, c’est ainsi que pour ma part j’ai toujours procédé, soutenant au premier tour le candidat de mon choix (Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon…) et votant au second pour le socialiste arrivé en tête (Ségolène Royal, François Hollande…). […]
Tout cela n’est pourtant pas un hasard. Cette confusion des esprits ne signe rien d’autre que l’actuelle victoire idéologique de la droite, qui pousse désormais des hommes et des femmes de gauche à cultiver la finasserie et le paradoxe comme les formes ultimes du pragmatisme. […]
En ce qui me concerne, pas question en tout cas de laisser BVA et l’IFOP guider ma main : au premier tour, je voterai pour le candidat dont le programme convient vraiment à l’homme de gauche que je reste : Jean-Luc Mélenchon. […]