Sociologue des médias et du genre, auteure du blog académique Contre-discours radical, Hasna Hussein intervient vendredi 10 mars à un séminaire organisé par le ministère des familles sur le thème « Femmes et radicalisation : comprendre, prévenir, agir ».
En se rendant dans des librairies islamiques parisiennes de tendance salafiste, elle a pu constater à quel point les ouvrages et les articles proposés préparent en quelque sorte le terrain aux organisations djihadistes.
La Croix : Quel est le modèle que Daech propose aux femmes musulmanes ? Et pourquoi séduit-il un nombre croissant d’entre elles ?
Hasna Hussein : La propagande officielle de Daech (magazines, vidéoclips ou anasheed, chants islamiques) montre la femme (de) djihadiste comme une « élue », « pieuse » et « modèle » de dévouement à son djihadiste d’époux, d’« endurance » aussi. Les femmes doivent obéir d’une manière absolue à leur mari, se contenter de leurs rôles d’épouse et de mère en se consacrant entièrement à l’éducation et l’élévation des « futurs-djihadistes ». Certaines femmes vont encore plus loin en appelant leurs homologues à accepter la polygamie, ou encore en « légitimant » l’esclavage sexuel. En outre, ce discours se caractérise par la « légitimation » du recours à la violence extrême.
Or, selon les dernières statistiques de l’Unité de Coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), 30 % des personnes signalées comme radicalisées en 2016 sont des femmes, et un nombre significatif d’entre elles sont mineures. Comment des fillettes peuvent-elles être séduites par une idéologie à la fois meurtrière, sexiste et même misogyne ? Pourquoi des femmes souvent nées et élevées en France rejettent un système « égalitaire » où elles disposent de droits et protections ? C’est une question qui me préoccupe en tant que sociologue du genre dans les sociétés musulmanes. (…)
Cet islam ultra-rigoriste n’est-il pas censé ne s’intéresser qu’à la pureté et à la piété ?
Hasna Hussein : Les rayons des librairies islamiques de la rue Jean-Pierre Timbaud, dans le 11e arrondissement à Paris, sont éclairants : on y trouve des articles de mode, de parfumerie et d’alimentation, le tout portant label « islamique », comme ces dernières collections de nounours « halal » sans yeux, baptisés Salah (« le vertueux », en arabe). Les titres des ouvrages, surtout, sont révélateurs : « Les secrets du hidjab. Voile et tenue vestimentaire de la Femme en Islam » ; « Main dans la Main pour ta réussite, mon cher Mari » ; « Ma sœur, voilà comment Allah et Son Messager veulent que tu sois ! » ; « Femme musulmane, voici les clés pour accéder au Paradis et te sauver de l’Enfer » etc. (…)
Autres liens :
Djihadisme : La carte de France des milliers d’individus signalés pour radicalisation
Sur le web salafiste, des jouets coraniques : repli communautariste, démonstration de foi ?