Tribune de Faÿçal Hafied, économiste, sur les bienfaits de l’immigration.
« Le postulat selon lequel l’afflux d’immigrés exerce une pression à la baisse sur les salaires, notamment des travailleurs les moins qualifiés, n’a aucun fondement.
Lors de son discours du 28 février au Congrès, Donald Trump a réitéré sa volonté de durcir la politique migratoire des Etats-Unis, réaffirmant notamment, après quelques atermoiements, le projet de construction du mur à la frontière mexicaine, ainsi que le durcissement des conditions d’obtention d’un visa de travail.
En France, la proposition 26 du programme du Front national va dans le même sens, appelant de ses vœux la réduction de l’immigration légale à un solde annuel de 10 000 personnes. Le programme de François Fillon propose de faire inscrire dans la Constitution un principe aux perspectives pour le moins floues selon lequel l’immigration dépend de la capacité d’accueil d’un pays. L’idée sous-jacente à ces propositions est que l’afflux d’immigrés exerce une pression à la baisse sur les salaires, notamment des travailleurs les moins qualifiés.
Ce postulat n’a aucun fondement. David Card, économiste du travail canadien, a par exemple évalué dans une étude les impacts sur l’emploi de l’exode des 100 000 exilés cubains débarqués à Miami en 1980 avec l’accord du président Jimmy Carter (« The Impact of the Mariel Boatlift on the Miami Labor Market », Industrial and Labor Relations Review, 1990, lien vers PDF). Cet accroissement de 7 % de la population de la ville n’a selon l’auteur « eu aucun effet sur les salaires et le taux de chômage des travailleurs locaux les moins qualifiés ». […]
En outre, l’impact des immigrés illégaux s’avère largement positif pour l’économie américaine. […]
Une autre étude de l’Institute on Taxation and Economic Policy intitulée « Undocumented Immigrants’ State & Local Tax Contributions » (les prélèvements fiscaux locaux sur les sans-papiers, février 2016, lien vers PDF) évaluait que les sans-papiers acquittaient 11,64 milliards de dollars par an d’impôts locaux, taxes sur la résidence ou sur la consommation, et que leur régularisation permettrait de collecter un supplément de 2,1 milliards de dollars. […]
Il faut sortir des mystifications stériles, souvent nauséabondes, sur la figure de l’immigré « voleur d’emplois » ou indolent. […] La stigmatisation répétée des immigrés conduira les plus créatifs d’entre eux à bouder la France pour choisir d’autres tropiques plus bienveillants, au détriment de notre croissance.