Tribune de l’avocat Patrick Klugman publiée sur le site de Bernard-Henri Lévy, La Règle du Jeu.
Ancien président de l’Union des étudiants juifs de France, il est un militant antiraciste. Son engagement politique s’observe également dans sa carrière de juriste : il défend ainsi l’association SOS Racisme, les Femen ou encore Caroline Fourest. Élu au Conseil de Paris dans le groupe socialiste, il est nommé adjoint aux relations internationales et à la francophonie de la maire de Paris, Anne Hidalgo.
Tout ce qui jusqu’à présent constituait une tare est subitement devenu un argument. Le racisme serait une opinion franche et le repli sur soi, une saine résistance face à la mondialisation. Bref, de Béziers à Washington la haine fait recette et le tapage est la norme.
Nous vivons une drôle de campagne qui arrive à son terme sans jamais avoir vraiment commencé et dont l’apparente quiétude traduit mal l’effondrement qui en est le résultat.
La France désigne comme une « drôle de guerre » la pire des défaites qu’elle ait connu au plan politique, moral et militaire. Par analogie, nous vivons une drôle de campagne qui arrive à son terme sans jamais avoir vraiment commencé et dont l’apparente quiétude traduit mal l’effondrement qui en est le résultat.
Marine Le Pen, qui est à cette heure la seule dont la qualification au second tour de l’élection soit tenue pour certaine, n’a jamais été aussi proche du pouvoir. La formulation de cette évidence et précisément que cela soit devenu une évidence donne le vertige. Une lecture sommaire des évènements pourrait se borner à constater que les deux derniers quinquennats ayant connu l’échec manifeste d’une présidence de droite et d’une autre de gauche au point que François Hollande ne se soit pas trouvé en situation de se présenter à sa succession, les français seraient tentés par une aventureuse troisième voie d’extrême droite jusqu’alors inexplorée. Hélas, le mal est plus profond.
Marine Le Pen est le leader de l’idéologie du moment qui est celle du rejet: rejet des étrangers, de l’Europe et des institutions. Mais à y regarder de plus près, elle n’a certainement pas le monopole de cette dynamique de la conspuation. Il y a de part et d’autre, François Fillon qui bat campagne contre une bonne moitié du pays, qu’il s’agisse des fonctionnaires ou des personnes précaires désignées comme des profiteurs et Jean-Luc Mélenchon qui a l’obsession inverse de la dénonciation d’un « système » aux mains de ceux qu’il tient pour nantis, c’est-à-dire qui ont davantage que ceux qui n’ont rien.
Dans l’étrange moment que nous vivons la plupart des français ne souhaite donc plus la victoire d’un camp mais la défaite d’un autre. Je dois me résoudre au douloureux constat que je ne fais pas ici exception, poursuivant dans cette élection l’objectif supérieur de tenir en échec le Front National. Et si Benoit Hamon ou Emmanuel Macron font bonne figure en se tournant vers l’avenir dans leurs discours, il faut bien reconnaître que ce n’est certainement pas le faible écho de leurs propositions qui leur vaudra d’être élu mais principalement d’être l’opposant de Marine Le Pen au second tour de l’élection. […]
Qu’on se le dise, le monde qui vient commence maintenant et par un seul mot : le vote !