L’écrivain Benoît Duteurtre revient sur le passage de Christine Angot dans «L’Émission politique
La faute en revient pour une part à une classe politique désireuse de s’attirer la sympathie des artistes, et qui, faute de s’intéresser réellement aux questions esthétiques, préfère répéter, comme une incantation: «l’art est un lien social», «il contribue à mettre en lumière les discriminations», «il aide à combattre les inégalités et les intolérances», etc.
Cette nouvelle version de l’art engagé se voit entretenue par nombre d’artistes eux-mêmes dont les films et les romans se veulent à la pointe des urgences politiques du jour (combattre le fascisme, le sexisme, le racisme…), mais qui aiment également se mobiliser par le biais de pétitions pour juger, labelliser, voire même décider des voix qui ont le droit de s’exprimer.
«Il est urgent que les artistes cessent de se prendre pour des procureurs ou bien qu’ils le fassent dans des textes argumentés, personnels, qu’on jugera à l’aune de leur talent»
En février 1997, déjà, soixante cinéastes publiaient un manifeste dirigé contre les lois Pasqua et Debré sur l’immigration, comme s’ils prenaient position au nom du septième art. Le journal Charlie Hebdo alla jusqu’à diffuser une liste des «non-signataires», dénonçant les intellectuels coupables de non-engagement.
En 2012, un comité d’écrivains s’est constitué pour signer une pétition exigeant la mise à pied de Richard Millet, auteur-éditeur chez Gallimard qui venait de publier un pamphlet jugé odieux sur l’affaire Anders Breivik. Annie Ernaux, romancière à succès et femme de gauche, décidait que ce trublion ne devait plus être édité, ni éditer les autres, et elle rassemblait un bataillon d’auteurs en vue d’obtenir son châtiment. Ils allaient accomplir ce qu’on avait rarement vu, même en Union soviétique: une pétition d’écrivains dirigée contre un écrivain ; confrérie rassemblée non par solidarité, mais par la volonté d’éliminer une brebis galeuse. Voilà un geste bien immoral et liberticide accompli au nom de la morale et de la liberté.
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(…) Le Figaro