Les territoires français d’outre-mer s’alarment de l’afflux d’immigrés clandestins. (RFI, 20 avril 2007)
[…] Alors que l’immigration est l’un des thèmes majeurs de la campagne électorale en France, deux collectivités d’outre-mer – la Guyanne et Mayotte – comptent plus de 20 % de clandestins. Le renforcement des contrôles de police depuis 2005 n’a pas inversé la tendance. Dirigeants politiques locaux et population dénoncent ce qu’ils considèrent être un facteur de chômage et d’insécurité, mais profitent aussi de ces clandestins. […]« La xénophobie est croissante en Guyane. Jusqu’à présent, cela n’a pas dégénéré. Mais je redoute le jour où les Guyanais décideront de faire justice eux-mêmes. L’Etat doit rétablir son autorité sur le territoire ». Cette déclaration de Jean Cesto, conseiller municipal de Matoury, résume l’opinion d’une grande partie de la population. Les immigrés clandestins ne sont pas les bienvenus. Le sentiment est le même à Mayotte où plusieurs manifestations rassemblant des milliers de Mahorais ont réclamé l’arrêt de « l’invasion étrangère ». Dans les deux régions, des milices musclées ont incendié des squatts occupés par des clandestins.
Les immigrés sont accusés de tous les maux : insécurité, chômage, carence des logements… Le refrain est connu. Mais dans des régions où les clandestins sont effectivement nombreux, il prend un relief particulier. D’autant qu’à Cayenne comme à Mamoudzou, le taux de chômage dépasse les 26 %. En matière de délinquance, les DOM-TOM connaissent des chiffres plutôt faibles. Sauf la Guyane, où les statistiques sont dignes de celles de la région parisienne. Et 28 % des détenus pour vols ou agressions sont originaires du Guyana. Pire : on a enregistré, en 2006, 84 meurtres (souvent des règlements de compte entre orpailleurs) pour 200 000 habitants alors que Paris – 2,1 millions d’habitants – n’a connu la même année que 52 assassinats. « Les classes sont surchargées et le niveau baisse. Les hôpitaux n’arrivent plus à faire face à l’afflux de patients. Les rues sont peu sûres et l’emploi manque. Tout ça à cause des clandestins », entend-t-on, de façon quelque peu simpliste, à Cayenne et Mamoudzou.
Les élus ne sont pas en reste, quelle que soit leur affiliation politique. Réunis en congrès en novembre dernier, les maires de Guyane, de Guadeloupe et de Mayotte ont réclamé un renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine. « Pour éviter qu’un jour la situation ne devienne incontrôlable et que des violences contre les étrangers ne dégénèrent », se sont-ils justifiés. « Ici, l’immigration est un thème électoral majeur. C’est à celui qui montrera le plus de fermeté. Personne n’exprime de problèmes de conscience face à des situations de détresse comme en métropole. Les électeurs approuvent le durcissement des lois contre les immigrés, et ils sont peu nombreux à se dire choqués quand des milices organisent des battues contre les clandestins », reconnaît Ali Souf, le président de l’association des maires de Mayotte. Le discours est le même en Guyane où nombre d’élus ont approuvé, en juillet 2005, la proposition de François Baroin de remplacer, dans les DOM-TOM, le droit du sol par le droit du sang (voir article ci-joint). « Si cette proposition contribue à soulever le dossier de l’immigration en Guyane, tant mieux. Peu importe le tollé qu’elle a provoqué. Je suis prêt à inviter mes amis du Parti socialiste et de SOS-Racisme à venir deux mois en Guyane au lieu d’y passer 48 heures », avait alors déclaré Antoine Karam, le président du conseil régional de Guyane, pourtant membre du PS.
Ce même Antoine Karam a récemment dénoncé une « palestinisation de la région », évoquant le repli des communautés sur elles-mêmes. La crainte de perdre son identité s’exprime de vive voix. « Les enfants comoriens susceptibles d’acquérir la nationalité française par le droit du sol seront bientôt plus nombreux que les Mahorais », s’alarme Ali Souf. « Nous sommes à un tournant identitaire. Les Guyanais de souche sont devenus minoritaires sur leur propre terre », lui répond en écho Christiane Taubira, député et membre du Parti radical de gauche. […]
(merci à Léon)