Les chefs d’entreprise préfèrent généralement rester discrets en matière politique. Jean-Luc Petithuguenin, le PDG fondateur de Paprec, un groupe de 4 500 personnes spécialisé dans le recyclage des déchets, a décidé, lui, de prendre publiquement position. Très inquiet d’une possible élection de Marine Le Pen, ce militant de la laïcité et de la diversité explique au Monde en quoi l’arrivée du Front national au pouvoir pourrait, selon lui, ruiner la France. Et pénaliser très directement sa propre entreprise.
Je n’ai pas quitté la France pour des raisons fiscales, comme d’autres, mais je ne sais pas si je resterai dans un pays dirigé par l’extrême droite. A l’époque où les huguenots étaient pourchassés, mes ancêtres ont fui la France…
L’élection présidentielle a lieu dans moins de trois semaines. Est-ce un enjeu pour un PDG comme vous ?
Ce scrutin a une importance considérable pour moi, à partir du moment où certains sondages placent Mme Le Pen en position de diriger le pays, alors que son programme aberrant a de quoi ruiner la France. Je suis si préoccupé que, le 23 mars, j’ai écrit aux 4 500 salariés de mon groupe pour les mettre en garde.
Que leur dites-vous ?
L’application des propositions du Front national aurait, je le pressens, des conséquences catastrophiques pour toute l’industrie française. Mais, dans mon courrier, je me concentre sur l’impact direct sur Paprec. Car s’il était appliqué, ce programme constituerait la plus grave menace que puisse connaître notre groupe dans les mois et les années à venir. […]
Donner une consigne de vote à vos salariés, c’est du paternalisme un peu daté, non ?
Je ne donne aucune consigne, mais il me semblait important d’informer le personnel et de prendre position publiquement, avec le soutien de mon comité exécutif. Dans mes entreprises, je vois trop de personnes tentées par le Front national en pensant que, de toute façon, son programme ne sera pas appliqué, donc que ce n’est pas grave. Si, c’est grave ! Quand trop de gens soufflent sur les braises, le feu finit par prendre.
Que voulez-vous dire ?
Si, demain, on présente le travailleur immigré comme l’ennemi, on verra de nouveau des ratonnades et ce genre de choses. Au-delà des entreprises qui seraient pénalisées, je suis inquiet par tout ce que l’hypothèse d’une élection de Mme Le Pen fait resurgir comme souvenirs, ceux des années de guerre. […]
Merci à valdorf