Le candidat du PS Benoît Hamon est à la peine dans les sondages. Pour Thomas Guénolé, un désistement au profit de Jean-Luc Mélenchon pourrait advenir, mettant définitivement fin au Parti socialiste.
Thomas Guénolé est politologue, maître de conférences à Sciences Po et docteur en Science politique (CEVIPOF). Il est l’auteur de Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants? (éd. Le bord de l’eau, 2015) et La mondialisation malheureuse (éd. First, 2016).
Vraisemblablement, si Benoît Hamon se désiste, Jean-Luc Mélenchon est au second tour. Cela étant, le scénario le plus probable reste un arbitrage par les électeurs de gauche eux-mêmes, en portant massivement leurs voix sur l’un des deux candidats de gauche au détriment de l’autre. Ce serait en quelque sorte une candidature d’«union de la gauche de facto», imposée par le peuple de gauche lui-même dans les urnes.
Les sondages indiquent une très nette avance de Jean-Luc Mélenchon sur Benoît Hamon, qui menace de passer sous la barre des 10% d’intentions de vote. Assiste-t-on à l’écroulement du candidat du PS ?
Indépendamment des sondages, la question du leadership à gauche pour cette campagne présidentielle semble avoir été réglée par les récents débats télévisés. Les thèmes abordés soulignaient surtout les convergences entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. […]
Les cadres du PS qui rejoignent Emmanuel Macron invoquent souvent l’argument du vote utile au premier tour contre Marine Le Pen. Qu’en pensez-vous ?
Franchement, cet argument est idiot. Il y a deux tours à l’élection présidentielle. Marine Le Pen, chacun peut l’admettre, ne sera pas élue présidente dès le premier tour. Et pour lui faire barrage si on le souhaite, le second tour est là pour ça. Donc, le vote utile contre le FN au second tour, je vois bien l’idée, mais le vote utile contre le FN au premier tour, ce concept ne tient pas debout. Au premier tour on vote pour ses convictions, et au second tour on élimine la pire option. Sinon, autant abolir les élections et proclamer automatiquement chef de l’Etat celui que les sondages annoncent finaliste face à Marine Le Pen un mois avant, ça ira plus vite. […]
Ce que préparent Manuel Valls et les cadres les plus déterminés de l’aile droite du PS, c’est d’aller au bout du projet de «maison commune des progressistes» défendu depuis plusieurs années par l’ex-Premier ministre. En résumé, cela consiste à créer un grand bloc central d’union du centre-droit, du centre et du centre-gauche qui marginaliserait l’extrême droite et la «gauche du Non», tout en amputant sévèrement l’électorat et les cadres des deux partis classiques de gauche et de droite. Hier, c’était le projet caressé par François Bayrou et Ségolène Royal entre les deux tours de la présidentielle de 2007. Avant-hier, c’était le projet de très grand parti central, social-démocrate à la suédoise, rêvé par Valéry Giscard d’Estaing dans les années 1970. Or, un tel projet implique nécessairement d’éliminer systématiquement les députés frondeurs du PS ; de les faire tous perdre, en mettant face à eux des candidats de l’alliance entre En marche! et l’aile droite du PS.
Dans ce contexte de plus en plus probable, pour sauver leurs sièges les frondeurs du PS et plus largement l’aile gauche vont avoir un besoin vital d’un accord d’alliance aux législatives avec La France insoumise. S’ils attendent pour cela le lendemain de la présidentielle, et si le score de Benoît Hamon s’avère piteux, fatalement ils négocieront en position de faiblesse. A contrario, si Benoît Hamon se désiste en faveur de Jean-Luc Mélenchon dans la dernière ligne droite avant le premier tour, cela peut être la contrepartie d’un accord beaucoup plus avantageux pour les cadres de l’aile gauche du PS en vue des législatives. […]