Dans une tribune parue dans « Le Monde », un collectif composé de juristes, Denis Baranger, Olivier Beaud, Jean-Marie Denquin, Olivier Jouanjan et Patrick Wachsmann, estime que la Ve République permet au président de cumuler les pouvoirs législatif et exécutif et que confier une telle autorité à Marine le Pen ferait courir un grave danger à la démocratie.
On entend désormais souvent affirmer un refus de participer au scrutin, notamment au second tour, au motif que le temps serait passé du bloc républicain et qu’une élection de Marine Le Pen ne serait pas aussi catastrophique que cela.
Il faut se souvenir que le régime de Weimar a péri, en 1933, à la suite de telles réactions (à chaque époque ses « sociaux-traîtres » !) . Entre des candidats qu’on peut juger frivoles, insuffisamment intègres ou bien irréalistes, d’une part, et une candidate dont l’élection menacerait les fondements mêmes de notre République , d’autre part, il y a une différence irréductible que rien ne doit permettre de relativiser.
Car les pouvoirs que la Constitution de 1958 accorde au président de la République sont bien trop importants pour être confiés à quiconque pourrait ne pas respecter les principes de la démocratie libérale (le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture) et de l’Etat de droit (le respect de la règle de droit et des juges qui en sont les garants). […]
A cela s’ajoutent les armes que les lois récemment adoptées sous le signe de la lutte contre le terrorisme confèrent à l’exécutif, de la législation sur l’état d’urgence imprudemment prorogée jusqu’au 15 juillet à la loi relative au renseignement et aux autres textes ayant accru les pouvoirs de la police. Ici encore, il existe une différence de nature entre l’usage que font de ces textes des dirigeants modérés et celui que pourraient aisément en faire des extrémistes mal intentionnés. L’élection présidentielle à venir représente, pour la démocratie française, une échéance où c’est son existence même qui se joue.