A 24 ans, Paul (qui souhaite rester anonyme) est étudiant à Sciences Po Strasbourg, un milieu «très à gauche», dit-il. Quand il ose y parler politique, la surprise vire à l’ahurissement : il vote Front National.
« Comment peux-tu voter Front national si t’es homo ? », lui demande-t-on. Paul se souvient qu’il a lancé le sujet il y a peu : « Le rejet a été direct, c’est allé très vite, ‘le FN, c’est les camps nazis’, et tout ça. » Pour lui, ce « dénigrement» politique est le même que celui qu’on peut ressentir quand on est homo».[…]
Une communauté « très blanche, note Didier Lestrade, cofondateur d’Act Up, qui, sur les applications de drague par exemple, n’a plus peur d’exprimer des points de vue xénophobes ».
[…] Sylvain Brouard, directeur de recherche au Cevipof, explique pourquoi les gays ne sont plus rebutés par le FN : « Déjà, c’est un parti où l’électorat masculin est majoritaire. Et le Front a des thématiques qui leur parlent, en tant que vote contestataire, et sur les questions liées à l’islam. » […]
La récente étude établit que l’orientation sexuelle est importante dans les intentions de vote, même si elle n’est pas prioritaire. Paul, qui ne cache pas que son choix est lié à ses peurs, en est l’illustration. Il redoute le déclassement, déjà. […] Il craint une trop forte immigration, aussi. « Pourquoi continuer à accepter des immigrés s’il n’y a pas assez de travail ? Il faudrait revaloriser les métiers que seuls les étrangers acceptent de faire. » Paul se veut « modéré», il se sent « mal à l’aise de dire que l’identité de la France disparaît avec l’immigration».
Enfin, il reconnaît qu’il craint d’être agressé par un musulman. « Mon orientation sexuelle n’est pas le premier facteur de mon vote, prévient-il, mais elle joue aussi. Les homos [il ne dit jamais « nous »] sont davantage confrontés à l’insécurité. Et le rejet de l’homosexualité est plus marqué chez les musulmans que dans les autres religions. Même s’ils ne subissent pas de discrimination de la part de la population immigrée, les homosexuels ont peur que ça puisse leur arriver. » Il a voté FN dès 2012. Il avait 19 ans. […]