François Hollande commémorera ce dimanche le centenaire de la sanglante bataille, sur fond de mécontentement autour de l’interprétation du chant antimilitariste.
Aucun de ses prédécesseurs n’en avait encore salué le souvenir. Dimanche, François Hollande sera dans l’Aisne pour commémorer le centième anniversaire de la bataille du Chemin des Dames. L’une des célébrations organisées à cette occasion suscite une petite polémique. Un chœur devrait entonner devant le Président la fameuse Chanson de Craonne, rengaine jugée suffisamment antimilitariste et pacifiste pour avoir été interdite d’antenne jusqu’en 1974. «Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes. C’est bien fini, c’est pour toujours, de cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau, qu’on doit laisser sa peau», dit le refrain. Un peu plus loin, les auteurs appellent leurs camarades à mettre la crosse en l’air. «Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront. Car c’est pour eux qu’on crève. Mais c’est fini, nous les troufions, on va se mettre en grève.» Le comité national d’entente des associations d’anciens combattants s’est fendu d’une lettre au chef de l’Etat «pour mettre en garde les autorités de notre pays si d’aventure on venait à mettre en exergue ces fusillés pour l’exemple afin de les réhabiliter». «Les millions de soldats méritent mieux dans notre souvenir collectif que la Chanson de Craonne», écrit l’assez conservateur général Bruno Dary, à la tête de ce comité.
Pour les hauts galonnés de l’état-major, il est un principe sur lequel on ne peut revenir : «La discipline est la force principale des armées.» En coulisses, les militaires jugent plutôt malvenu que cette chanson soit interprétée devant un chef des armées ayant envoyé près de 7 000 soldats sur les théâtres d’opérations extérieures. «Et si par malheur les honneurs sont rendus autour de la dépouille de l’un d’entre eux dans la cour des Invalides, on va jouer quoi ? Le déserteur ?» s’emporte le gradé d’un régiment.
Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait été le premier, à quelques jours du 11 novembre 1998, à évoquer la mémoire des mutins. Il avait alors déclaré que ces soldats rebelles à des ordres imbéciles «devaient réintégrer pleinement notre mémoire collective nationale». Une déclaration jugée «inopportune» par le président Chirac. En 2008, Nicolas Sarkozy ajoutait encore une pierre à cet édifice en déclarant, «au nom de notre Nation, que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, mais que simplement, ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces». Une démarche dans laquelle l’Elysée entend encore s’inscrire. «La mémoire de ces soldats qui ont pu avoir une défaillance doit s’inscrire dans le recueil de la mémoire collective», explique-t-on à l’Elysée, où l’on souhaite commémorer cette bataille «dans la paix des mémoires, la vérité et la lucidité. La France doit se rassembler dans l’amour de la patrie et de la dignité humaine». Mais le sort des «fusillés pour l’exemple» fait toujours polémique. D’un côté la bravoure des Poilus, envoyés au carnage lors d’assauts aussi meurtriers qu’inutiles, est célébrée. De l’autre sont mis en cause le cynisme et l’imbécillité de généraux incompétents, qui auront sacrifié des dizaines de milliers de vies humaines sans aucun résultat militaire.
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Merci à Neuneu
Ce dimanche 16 avril 2017 marquera les cent ans de la bataille du Chemin des Dames dans l’Aisne. Pour la première fois, un chef de l’État présidera la cérémonie de commémoration de cette bataille parmi les plus meurtrières de la première guerre mondiale.
Lorsqu’elle est lancée le matin du 16 avril 1917, l’offensive du Chemin des Dames réunit plus d’un million d’hommes entre Soissons (Aisne) et Reims (Marne). Elle va vite tourner au fiasco. Ce devait être une percée d’envergure dans les lignes allemandes, une offensive éclair de 48 heures maximum, c’est ce qu’avait promis le général Nivelle. En dix jours, on compte 30 000 morts et 100 000 blessés.
Protégés dans les grottes et dans les nombreuses carrières environnantes, les Allemands dominent le terrain. L’effet de surprise du général Nivelle ne fonctionne pas. L’utilisation des premiers chars d’assaut côté français ne change rien. Nivelle s’obstine, il continue d’envoyer des hommes se faire tuer en première ligne. La colère monte parmi les poilus qui commencent des mutineries. Dans les tribunaux militaires, 3 500 mutins sont condamnés, une trentaine seront exécutés. Cette période controversée de l’Histoire, aucun président de la République en exercice ne l’avait commémoré. François Hollande sera le premier.