En exploitant électoralement, lundi, les attentats qui ont eu lieu en France, la chef du Front national a franchi une « ligne rouge d’ordre moral ».
Editorial du « Monde ». La question est simple : peut-on dire n’importe quoi, aller jusqu’au propos le plus indigne, dans une campagne électorale ? La réponse, hélas, est connue : oui. Toutefois, dans la plupart des démocraties qui ont été victimes du terrorisme islamiste, les candidats sérieux, quand ils abordent ce sujet, observent une limite. On ne récolte pas de voix sur le dos des morts. C’est une sorte de ligne rouge d’ordre moral – et qui préserve l’avenir. Cette ligne rouge, la chef du Front national (FN), Marine Le Pen, vient de la franchir.
[…] Pas pour Mme Le Pen, qui a déclaré, lundi soir : « Avec moi, il n’y aurait pas eu de Mohamed Merah, français grâce au droit du sol. » Propos absurde, sauf à laisser entendre qu’elle est prête à priver de leur nationalité des centaines de milliers de Français dont les parents sont d’origine étrangère.« Avec moi, il n’y aurait pas eu » les attentats du Bataclan et du Stade de France, a-t-elle poursuivi, parce que les terroristes « ne seraient pas entrés dans notre pays » – faux, là encore, parce que les policiers eux-mêmes reconnaissent que la frontière franco-belge, Schengen ou pas Schengen, n’a jamais été hermétique. Peut-on jouer ainsi, à des fins électorales, avec la mémoire des morts ?
La présidente du FN a promis un moratoire « total, immédiat sur toute l’immigration légale » au lendemain de son élection, le temps de revoir la législation.
De retour d’une visite dans leur pays, hommes d’affaires, scientifiques, étudiants, infirmiers et médecins faisant tourner nos hôpitaux publics, ouvriers et employés aux tâches les plus ingrates, tous ces étrangers, qui sont partie intégrante de la France de 2017, ne pourraient y entrer de nouveau… Donald Trump s’est essayé à pareille démagogie, la justice américaine lui a barré la route. Mais, dans ce style-là, rien n’arrête Mme Le Pen.