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FIGAROVOX/RENCONTRE – Le duel Macron-Le Pen traduit l’affrontement entre deux France irréconciliables : celle de la nouvelle bourgeoisie urbaine des grandes métropoles contre celle des classes populaires de la périphérie. Un scénario que le géographe Christophe Guilluy théorise depuis plus d’une décennie.

Selon Guilluy, il y a désormais deux France. D’un côté, les grandes métropoles où la nouvelle bourgeoisie urbaine tire profit de la mondialisation, prônant l’«ouverture» et le «vivre-ensemble» pour mieux ériger des frontières invisibles. De l’autre, celle de la périphérie où «la plèbe» en quarantaine souffre de la désindustrialisation et de l’insécurité physique et culturelle liée à l’immigration.

Une thèse polémique qui a bousculé le monde intellectuel français. Au point de faire de Guilluy l’un des penseurs les plus influents et controversés de ces dernières années. Prophète de la France d’en bas pour les uns, sociologue de comptoir pour les autres.

Adoubé par les chercheurs étrangers, mais snobé par les universitaires français. Référence incontournable pour Éric Zemmour ou Patrick Buisson, mais «Onfray de la géographie» pour une partie de la presse de gauche, qui l’accuse de «faire le jeu du FN». «Je me sens moins seul, ironise le fondateur de l’université populaire de Caen, qui souscrit à toutes les analyses du géographe. Avec lui et Michéa, on pourrait former une école!» Marcel Gauchet admet, lui aussi, son admiration pour le travail et le courage de Guilluy, même si, dit-il, «la France d’en haut est moins cohérente que ne le dit Guilluy. Il est parfois dans un schéma un peu binaire alors que la réalité est plus complexe». Pour Alain Minc, la montée en puissance d’un populisme de gauche rend le concept de Guilluy inopérant. «Je suis convaincu que la carte du vote Mélenchon n’a rien à voir avec la carte du vote FN», note-t-il.

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«Je n’existe dans aucun milieu, et je m’en fous. Chez moi, la défense des mecs d’en bas vient des tripes», explique Guilluy. «Par son statut, il est à l’image de la France périphérique qu’il décrit, décrypte son ami l’historien Georges Bensoussan. Le mépris de classe qu’il décrit de la France d’en haut, y compris de cette France de gauche qui tient les rênes du pouvoir culturel, il en a été victime lui-même.» (…)

Il est victime d’une forme de jalousie, souligne la démographe Michèle Tribalat, elle-même ostracisée par ces confrères. Le fait qu’il vienne d’un milieu modeste ajoute à son illégitimité. Il n’a pas les manières infatuées des universitaires.» Tribalat se souvient d’un déjeuner à l’Élysée avec Nicolas Sarkozy où Guilluy était invité, et du mépris des universitaires présents à la même table envers lui. «Il était regardé comme un va-nu-pieds parce qu’il ne portait pas de costume et de cravate.»

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La victoire très probable d’Emmanuel Macron, «quintessence de la France d’en haut» (Alain Minc) contredirait-elle la thèse du dernier livre de Guilluy, Le Crépuscule de la France d’en haut? «Si le système en place parvient à faire élire un Macron, il préservera l’essentiel mais en sortira fragilisé: certains sondages donnent Marine Le Pen à 40 % au second tour, ce qui est considérable par rapport aux 18 % de Jean-Marie Le Pen en 2002. La dynamique est de ce côté-là, analyse Guilluy. Si rien n’est fait, Marine Le Pen ou un autre candidat contestant le modèle dominant sous une autre étiquette gagnera en 2022, si ce n’est en 2017. On est à un moment de basculement. Si la France d’en haut ne fixe pas comme priorité le sauvetage des classes populaires, elle est condamnée.»

Le Figaro

Merci à valdorf

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