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La présence d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle n’est pas un simple accident électoral, affirme Jérôme Sainte-Marie. Pour le politologue, le clivage droite/gauche est en train de disparaître. Sur fond de retour de la lutte des classes, un nouvel ordre démocratique se dessine.

Qui a dit que les sondeurs se trompaient tout le temps? Le Nouvel Ordre démocratique (Editions du Moment), c’est le titre du dernier essai de Jérôme Sainte-Marie paru en 2015. Le politologue et fondateur de la société d’études et de conseil PollingVox y écrivait : « Le système démocratique français se disloque sous nos yeux. La gauche enchaîne les déroutes électorales et la droite s’enferre dans ses impasses. Comme ailleurs en Europe et déjà dans bien des villes et départements français, au clivage gauche/droite se substitue un nouvel affrontement opposant un pôle identitaire et un pôle libéral. »

 

[…] Le bouleversement politique est là, évident et brutal. Les deux partis qui se sont partagé le pouvoir depuis 1981 voient leur candidat éliminé. Leur score cumulé est de 26 % des suffrages exprimés, au lieu de 56 % lors de la présidentielle précédente. Le second tour va opposer une candidate « ni gauche, ni droite » à un candidat « et gauche, et droite ». En outre, la qualification du Front national n’a rien d’un accident électoral, comme ce fut le cas en 2002, car elle était annoncée depuis longtemps. C’est bien à l’édification rapide d’un nouvel ordre que nous assistons, et ce qui était une construction logique il y a deux ans est devenue une réalité électorale manifeste. Pour autant, peut-on parler d’un clivage peuple/élite? Le premier terme est trop englobant, et le second trop restrictif. Cependant, derrière l’impression de chaos politique, une dichotomie se dessine, avec une dimension sociale aussi réelle que fantasmée. Aussi proposerais-je les termes de « bloc élitaire » et de « bloc populaire ». Pourquoi ces termes? D’abord, parce qu’il y a une opposition sociale très forte entre d’une part les électorats de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, d’autre part ceux d’Emmanuel Macron et de François Fillon. Pour dire les choses sans apprêt, le premier tour de l’élection a révélé un vote de classe d’une puissance inédite. Ensuite, le fait que la candidate du Front national comme celui de La France insoumise invoquent le « peuple » dans leurs slogans de campagne est significatif, tout comme le fait que leurs adversaires veuillent les stigmatiser sous le terme de « populistes ». [ …]

Que pensez-vous de la décision de la droite d’appeler presque unanimement à voter Macron?

Il y a une fracture patente entre la « droite d’en haut » et la « droite d’en bas ». Dès avant le premier tour, un tiers des électeurs de François Fillon envisageaient, si leur candidat devait être absent du second, de voter pour Marine Le Pen. Ils auront sans doute été passablement écoeurés du ralliement immédiat et inconditionnel de la plupart de leurs chefs à une personnalité présentée quelques jours auparavant comme la créature de François Hollande. C’est un choc profond pour un électorat resté dans sa masse, malgré toutes les attaques et malgré ses doutes, fidèle au choix de la primaire. A contrario, l’attitude de Jean-Luc Mélenchon le soir du premier tour lui aura montré qu’une autre attitude était possible, même si elle exposait au déchaînement des Erinyes médiatiques. De toutes les manières, l’incapacité de la droite à qualifier son candidat, sorte de 21 avril à l’envers qui se serait joué au ralenti, sur deux très longs mois, la place dans une situation de crise. Son dénouement pourrait bien être sa division entre le « bloc élitaire », choix privilégié par nombre de ses élus mais aussi de ses électeurs, souvent mieux dotés en patrimoine et en revenu que la moyenne des Français, et le « bloc populaire », pour une minorité. [….]

 

Le Figaro

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