Pour le chercheur spécialiste du djihadisme Gilles Kepel, les inspirateurs des attentats de l’EI en France ont sciemment cherché à faire croître le vote pour l’extrême droite dans une stratégie de guerre civile religieuse.
Marianne : Vos travaux mettent au jour le projet djihadiste, à savoir tenter de fracturer les sociétés européennes, de provoquer la séparation puis l’affrontement entre les musulmans et les autres citoyens. Avez-vous pu constater dans la campagne électorale la réalisation « politique » de ce projet ?
Gilles Kepel : Le projet explicite des djihadistes, tel qu’on peut le constater en consultant leurs sites et leurs tchats, consiste à favoriser la victoire de l’extrême droite, afin de convaincre les musulmans que la France est un pays raciste, que l’intégration est une impasse et qu’il leur faut se rassembler derrière les plus radicaux d’entre eux.
L’intention est clairement indiquée dès 2005 dans le manifeste d’Abou Moussab al Souri, Appel à la Résistance Islamique Globale. On peut y trouver l’inspiration des attentats de Montauban et Toulouse, jusqu’à Paris et Nice, qui prévoit plusieurs étapes dans la montée d’une guerre civile sur une base politico-religieuse, dont celle de faire croître exponentiellement le vote d’extrême droite par des attentats de masse conçus comme des provocations destinées à fracturer la société. Dans cette perspective, les élections présidentielle et législatives de 2017 apparaissaient pour l’Etat islamique comme l’occasion de prendre le débat politique en otage.
“Les élections de 2017 apparaissaient pour l’Etat islamique comme l’occasion de prendre le débat politique en otage” […]