Alors que le Front national a enregistré un résultat sans précédent au premier tour de la présidentielle, particulièrement dans les classes populaires, son score ne progresse quasiment pas en Seine-Saint-Denis. La stratégie déployée par le parti de Marine Le Pen ne fonctionne pas dans ce département le plus pauvre de France. Enquête.
Il est midi. Ce dimanche, c’est la foule des grands jours au marché de Saint-Denis. Dans l’allée piétonne, les badauds se pressent, sous un ciel menaçant. Une batterie d’affiches à l’effigie d’Emmanuel Macron sourit aux passants sous une arche qui traverse un bloc de béton. Un homme distribue des flyers publicitaires pour un coiffeur afro.
Un peu plus loin, devant la sortie du métro, trois militants aux couleurs du Front de gauche proposent, eux aussi, quelques tracts politiques appelant à voter contre Marine Le Pen . “Et elle va faire quoi Le Pen ? Tu crois qu’elle va installer des camps ?”, interroge, un peu véhément, un vieil homme en les voyant. “Mes voisins, dans la cité, ils ont une carte de séjour, rétorque vivement Vincent Huet, adjoint au maire de la ville. Moi je pense à eux !” “Vous savez, je suis un homme de gauche, j’ai toujours voté à gauche, j’ai été syndicaliste, reprend celui qui lui fait face. Macron est mon ennemi de classe mais ce qu’ils disent sur Le Pen, c’est de la propagande pour nous effrayer !”
“Le ton socialisant du FN fait mouche auprès de toutes les catégories populaires sauf en Seine-Saint-Denis”
Avec 13,59 % des voix, le score de Marine Le Pen n’a quasiment pas progressé en Seine-Saint-Denis depuis 2012
Le 23 avril 2017, Marine Le Pen, candidate du Front national, enregistre un score historique au premier tour de l’élection présidentielle. Là voilà qualifiée pour le second tour récoltant 21,3 % des voix. À la tête d’un parti d’extrême droite, la fille de Jean-Marie Le Pen ne cesse de conquérir de nouvelles tranches de l’électorat et de nouveaux territoires. Depuis 2012, elle a gagné plus de trois points. Celle qui s’autoproclame “candidate du peuple“, oubliant au passage de rappeler son CV de privilégiée, fait un tabac dans les “classes populaires”. Pourtant, s’agissant de la Seine-Saint-Denis, son score n’a quasiment pas progressé : elle y a recueilli au premier tour 13,59 % des voix, soit quasiment le même score qu’en 2012 (13,55 %). […]
“Le FN, ils ne sont pas à Sevran en tout cas. Ce serait chaud pour eux ici”. Youness Benab, 22 ans, originaire de la cité des Radars, a glissé un bulletin Mélenchon au premier tour. “Il y a des origines de partout ici : des Asiatiques, des Africains. On ne peut pas cautionner le FN. Ce sont des racistes. Et puis la majorité des gens sont musulmans. Au FN, ils sont connus pour être contre l’islam”. […]