Marine Le Pen est arrivée en tête du deuxième tour de la présidentielle dans plusieurs petits villages du Loiret. Leurs maires s’interrogent sur les ressorts de ce vote.
« Quand je dis aux électeurs frontistes qu’il n’y a pas d’immigré dans le village, ils me répondent : “Oui, mais on n’en veut pas” »
Christophe Bethoul, maire (PS) de Saint-Germain-des-Prés
Christophe Bethoul ne s’y habitue toujours pas. Saint-Germain-des-Prés, la commune dont il est le maire, a voté en majorité pour Marine Le Pen, dimanche 7 mai, au second tour de la présidentielle. « Pourtant, on n’a pas d’immigration, on ne connaît pas de problème de sécurité, le chômage ici est dans la moyenne nationale », s’étonne encore l’élu. Et pourtant. Dans ce village d’un peu moins de 2 000 habitants, près de Montargis (Loiret), la candidate du Front national a recueilli 51,4 % des suffrages. Et même 61,9 % dans le bourg voisin de Saint-Firmin-des-Bois, perdu au milieu des champs de colza.
Pour Christophe Bethoul, le vote FN s’explique par « le sentiment d’abandon » de ses administrés. « Et peut-être, aussi, par trop de télévision, ajoute-t-il, qui leur matraque la tête avec l’insécurité et l’immigration. » « Quand je dis aux électeurs frontistes qu’il n’y a pas d’immigré dans le village, ils me répondent : “Oui, mais on n’en veut pas.” Ils préfèrent avoir comme voisin un Français bien chiant plutôt qu’un étranger bien intégré, se désole le jeune édile socialiste. Ils ont une peur terrible de ce qu’ils ne connaissent pas. »
« Les repères vacillent »
Saint-Germain, Saint-Firmin, mais aussi Pressigny-les-Pins, Fontenay-sur-Loing, Courtenay ou encore Mérinville… Dans le Gâtinais, la liste est longue des communes où Marine Le Pen a fini en tête du scrutin dimanche. Des terres rurales, dans cette France périphérique, grande perdante de la mondialisation. Une France des routes départementales étroites et des villages sans commerce ni médecin, une France des volets clos et des rideaux baissés, où flottent ici et là quelques drapeaux tricolores aux fenêtres.
[…]Dans quelques semaines, la mairie doit ouvrir une épicerie. De quoi, peut-être, rassurer ces retraités qui ont quitté la banlieue parisienne pour une vie plus paisible à Bazoches mais ont pu se laisser tenter par le vote FN pour ne « pas retrouver les “problèmes” d’insécurité qu’ils ont connus en région parisienne ». « Ce sont des détails, mais parfois, il suffit d’un rien pour changer un vote », veut croire Thierry Dupuis.
Le Monde