Le journaliste et écrivain François Bousquet, auteur de “La droite buissonnière” analyse la recomposition idéologique à droite. L’erreur de Marine Le Pen et de François Fillon est de s’être enfermés dans des discours économiques sans affronter la question de l’identité.
L’enseignement à venir, c’est que la fracture populiste – le peuple contre les élites – traverse pareillement les partis, entre des bases qui ont tendance à se radicaliser et des états-majors qui ont fait le choix de se recentrer. Le PS en est mort, les LR en sursis.
Dans votre livre La droite buissonnière (éditions du Rocher), vous faites une archéologie de la «droite hors-les-murs», qui ne se reconnaît, ni dans la démagogie frontiste, ni dans la pusillanimité libérale. Comment décrire cet ethos de droite? Où est-il passé pendant la campagne ?
C’est une famille de pensée informelle née des circonstances politiques. Elle emprunte à trop de traditions pour se laisser enfermer dans une seule et existe surtout à travers ses trois personnalités les plus emblématiques: Villiers, Zemmour et Buisson. Le premier procède de la chouannerie, le deuxième du bonapartisme, le troisième du catholicisme social. En l’état, c’est une droite orpheline qui ne se reconnaît dans aucune dénomination partisane, ni les LR ni le FN, mais à leur jonction, reprenant à son compte les éléments électoralement structurants qui ont fait le succès de Sarkozy en 2007, la fameuse «ligne Buisson», qui reposait sur une stratégie de désenclavement sociologique du bloc traditionnel de droite en lui adjoignant le vote des catégories populaires aujourd’hui captées par le FN. C’était la stratégie des gaullistes en 1947 et 1958. En gros, la synthèse du conservatisme (Fillon) et du populisme (Le Pen). […]
À travers Macron, s’opère le retour à l’équivoque inaugurale du libéralisme dans ses versions culturelle et économique. Non sans ironie, c’est du côté des partis centraux – et sur leur ruine – qu’on observe une recomposition idéologique autour du libéralisme, de droite et de gauche. […]
Comment la droite française peut-elle se refonder ?
La droite gagnerait à se souvenir que le sujet historique demeure le peuple français et son identité. Cela même qui a fait la force de Sarkozy en 2007, quand il a levé le tabou de l’identité nationale, faisant la course en tête et obligeant ses adversaires à se positionner par rapport à lui: la critique de Mai 68, la restauration de l’autorité, les racines chrétiennes. Sa campagne portait avec elle une vision du monde solidement charpentée, mise en paroles, jamais en actes. C’est la faute originelle de son mandat : Sarkozy n’a pas transformé la victoire idéologique de 2007, ce qui préparait les défaites politiques de 2012 et 2017. Celui qui saura politiquement transformer cette victoire idéologique aura un bel avenir devant lui.