(…) L’argumentation de Zemmour est simple, pour ne pas dire simpliste. Si le FN a échoué, c’est parce qu’il n’a pas fait un discours digne du FN. En gros la focalisation du FN sur la question de l’euro a fait perdre Marine Le Pen là ou le discours dur sur l’immigration et l’islam l’aurait fait gagner. Et monsieur Zemmour rajoute une critique sur l’économisme qui frapperait Marine Le Pen et son entourage à commencer par Florian Philippot . Faisant ainsi de l’économie une question subsidiaire qui serait tellement moins importante que l’immigration ou l’intégration que les Français aurait dès lors préféré aller à la pêche plutôt que voter Le Pen au second tour de la présidentielle. Je ne vais pas ici passer par moult formules, je crois que monsieur Zemmour vient de trahir sa vilénie profonde et les intérêts réels qu’il défend. Comme l’a dit très justement Jacques Sapir, monsieur Zemmour est un bourgeois et il défend ici clairement sa classe sociale. Il ne s’en remet pas que son champion Fillon n’ait pas été au second tour. Un Fillon qui correspondait parfaitement à la stratégie de Zemmour pourtant. Européiste, libéral, encore plus que Macron, et avec en prime un bon petit discours anti-immigration, et sécuritaire. Et pourtant le Fillon n’était pas au second tour, c’est étrange non ? N’y aurait-il pas comme une contradiction logique ? Marine Le Pen n’a-t-elle pas fait justement un ravalement de façade sur l’euro au second tour ? Ne serait-ce pas cela qui a fait basculer les scores plutôt?
(…) Par contre, je vois bien chez monsieur Zemmour un fétichisme de l’immigration. Lui qui pouvait apparaître il y a quelques années comme relativement pragmatiques sur ces questions, s’est de plus en plus enfermé dans un discours à sens unique et dogmatique. Il a rejoint les identitaires, pour qui rien ne compte pas même la France tant que leur sang reste pur. Ce sont ces mêmes identitaires, qui surfent sur les propos de Zemmour très populaires chez eux afin d’influencer le FN en ces temps trouble. Ils utilisent leur site rempli de ragots et de fait divers nettement orientés pour faire pression sur la direction du parti. Leur fuite en avant est d’ailleurs symptomatique, il y avait en effet pendant longtemps une partie économique à Fdesouche. Une partie qui a étrangement disparu. Alors que le côté obsessionnel anti-immigration, lui, c’est considérablement développé.
(…) Disons-le tout de suite, je ne suis pas du tout un partisan de l’immigration de masse. Je ne crois ni au multiculturalisme ni à la toute-puissance de la capacité d’intégration de la nation française. Cependant, je ne fais pas et je n’ai jamais fait de l’immigration la mère de toutes les batailles et le centre névralgique de notre crise nationale. L’immigration est un des multiples aspects des effets du néolibéralisme, elle n’en est pas le centre névralgique. Cependant, cette obsession sur la question migratoire est en quelque sorte le Janus inversé de droite de l’amour immodéré, mais factice, que porte la frange gauche de la bourgeoisie. Dans les deux cas, l’immigration est un outil de domination contre les intérêts des victimes du néolibéralisme. À gauche l’immigré est devenu une icône intouchable qui donne bonne conscience pour cacher la violence sociale que produit le libéralisme économique. Le plus exemplaire fut l’utilisation marketing qu’a faite Angela Merkel des réfugiés syriens juste après avoir transformé la Grèce en pays du tiers-monde. Je crois qu’il s’agissait là d’une preuve éclatante de l’usage que font nos élites du discours mielleux sur l’immigration.
À droite la bourgeoisie utilise de plus en plus l’immigration comme mécanisme unificateur avec les couches sociales les plus faibles. Les élites de droite ont bien compris que le petit peuple souffrait certes du globalisme, mais aussi de l’immigration qui détruit leur univers culturel. Les droitards purs souches à la Eric Zemmour ont donc pour objectif d’unifier leurs camps avec le petit peuple par la haine exagéré de l’étranger. Faisant oublier au passage que ce sont les intérêts de ces mêmes bourgeois les ont conduits par le passé à accepter toutes les vagues d’immigration. C’est sous monsieur Sarkozy que la France a connu le redémarrage d’une nouvelle vague d’immigré. Pourtant monsieur Zemmour aime cette citation de Bossuet: « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent » n’est-ce pas ? On assiste au final à l’apparition de la stratégie bourgeoise du parti Républicain aux USA. Alors que Macron essaie de nous faire un parti Démocrate en France, monsieur Zemmour et la droite bourgeoise essaient de fabriquer un parti Républicain dont le centre unificateur n’est pas l’intérêt du pays, les questions de l’indépendance nationale, mais uniquement la haine de l’immigré. Le petit problème c’est que la France n’est pas l’Amérique. Quoique puisse en penser nos pseudo-élites. Le vrai clivage en France est la séparation entre la défense de la souveraineté nationale et les partisans du globalisme. Que ces globalistes ne le soient pas sur la question du mouvement des populations ne change rien à l’affaire. Si le FN a la mauvaise idée de suivre les conseils de Zemmour, il retombera rapidement à ses scores des années 80, rien de plus. Entre la patrie et leur porte-feuille, les bourgeois de droite ont déjà choisi.
Le Bon Dosage