Magistrats et enquêteurs doivent jongler avec les impératifs des procédures et les disponibilités des interprètes, quand les mis en cause ne comprennent pas ou mal le français. À l’audience du 7 février dernier, les juges se sont aperçus que le prévenu, un Yougoslave de 33 ans, comprenait mal le français. Faute d’un interprète disponible rapidement, le dossier n’a été jugé que mardi dernier.
Pas un cas isolé. Jocelyne Rubantel, la présidente du tribunal de grande instance, cite un un autre dossier – une bagarre – repoussé pour les mêmes raisons récemment.
La loi prévoit que tout justiciable doit « être entendu dans une langue qu’il connaît. C’est un droit absolu. » Les juges, policiers et gendarmes ont à leur disposition une liste d’experts auprès de la Cour d’appel de Riom. Ils sont près de cent quatre-vingts, à parler le farsi ou l’anglais surtout. « C’est là qu’on a le plus de besoins. Le roumain aussi. En ce moment, il y a beaucoup d’Albanais. » (…)
Si les enquêteurs ou les magistrats ne trouvent pas leur bonheur dans la liste de la cour d’appel, ils peuvent fait appel à la population locale. La personne, après une enquête rapide de moralité, prête serment sur le champ.
C’est ce qu’a fait Mustafa Karsavuran, cinquante ans, de 1989 jusque dans les années 2000. Cet habitant de Montluçon a tout connu : les gardes à vue, les écoutes téléphoniques, les visites de prison avec l’avocat du détenu, les comparutions devant les juges, d’instruction, des libertés et de la détention, en audience correctionnelle. « Au tout début, il y avait beaucoup d’histoires de passages de clandestins, de travailleurs clandestins etou au noir. Des conflits familiaux, des parents qui avaient des problèmes avec les enfants », se souvient-il. (…)
Julien (*), traducteur en albanais et son dialecte le kosovar, est lui venu deux fois à Montluçon dans le cadre d’affaires de trafic de drogue. Ce n’était pas une bonne opération financière, affirme cet expert auprès de la cour d’appel de Lyon. « J’ai 2 h 30 de route. Mais si je peux techniquement rendre un service, je le fais. C’est aussi ma responsabilité morale », estime le professionnel.
Entre le dépôt de dossier avec les justificatifs de diplômes, le CV, la lettre de motivation et un « garant de ma compétence et de mon intégrité », il lui a fallu un an pour obtenir son statut d’interprète assermenté et traducteur interprète habilité à traduire des documents écrits officiels. Il est missionné depuis deux ans.
« On peut être sollicité par la police aux frontières pour notifier des droits dans le cadre d’une rétention. On fait les auditions par téléphone. Pour les missions de justice, on se déplace physiquement dans la mesure du possible. Les gens n’ont pas toujours les moyens de nous prévenir à l’avance. Donc c’est une mission qui demande beaucoup de flexibilité. »
(*) Nom d’emprunt. L’interprète souhaite garder l’anonymat dans le cadre de son activité
Merci à Marie Salers