Avec Vernon Subutex 3, Virginie Despentes clôt sa trilogie entamée en 2015 et plonge ses personnages dans l’actu récente, des attentats du 13 novembre à Nuit debout.
Le bras tendu ou le poing levé, ce n’est quand même pas la même chose… Ce n’est pas rien de voir un pays voter pour sa propre démolition.
Qu’est-ce qui a à ce point changé en deux ans ?
Ça a été une révolution, en fait : en France, le terrorisme a débloqué des paroles, qui étaient déjà prêtes à éclore, mais avec une violence qu’on n’imaginait pas. Et puis la crise de 2008 s’est amplifiée, a précipité des instabilités dans tous les pays d’Europe, a démonté la Grèce, la crise des émigrés a été fondamentale, il y a eu tous ces morts, on a vu apparaître des camps et on s’est habitués à tout ça. S’habituer, c’est le pire, ça prépare à plus grave, le fait de les envoyer en Turquie, c’était impensable il y a encore peu.
Et les élections récemment, c’était une catastrophe de plus. Ça nous a tous gênés d’aller voter Macron, d’aller voter par trouille pour la troisième ou quatrième fois consécutive, c’était au-delà du déprimant. Hollande a été très décevant, et beaucoup d’entre nous avaient voté pour lui pour contrer Sarkozy, mais on se disait qu’un peu de PS ne ferait pas de mal après tant d’années à droite… Là, quand on a vu au premier tour toutes les régions où Marine Le Pen est arrivée première, c’était consternant. […]
D’après toi, les gens votent FN par détresse ou par ignorance de ce qu’est vraiment ce parti ?
Je ne crois pas trop à l’ignorance dans ce pays. Je ne crois pas que le vote FN soit un vote contestataire, c’est un vote raciste, un vote pro-répression policière, un vote pro-torture, un vote de gens qui croient qu’il suffit de taper fort pour que tout rentre dans l’ordre. Un vote d’enfant qui croit qu’il faut que papa soit autoritaire et qu’alors tout va bien se passer. […]