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Historiquement, le FN a toujours fait des scores faibles aux élections nationales, seules élections auxquelles il participe : 3,18% en 2007 avec 5335 voix, et 5,16% en 2012 avec 7486 voix. Les Régionales de 2014 ne sont pas représentatives avec moins de 10% de participation, mais le FN fait 8,65% avec 2267 voix.

Il a été d’usage d’expliquer le vote FN en Guadeloupe, comme dans le reste des Antilles et de la Guyane, par l’abstention généralisée dans la population antillaise, mais surtout comme un vote de « métro » -les blancs qui viennent de métropole- chez les forces de l’ordre ou chez les commerçants et petits artisans, mais aussi un vote colonialiste chez les descendants de colons ou les pieds-noirs qui ont fuit l’Algérie indépendante. Mais les 15 203 voix (13,51%) du FN au 1er tour et les 33 310 voix (24,87%) du 2nd tour de l’élection présidentielle de 2017 [1] remettent en cause cette seule analyse. En effet, lorsqu’on étudie la carte électoral du vote frontiste en Guadeloupe, on se rend compte que les villes où on retrouve une population blanche et privilégiée, comme le Gosier ou Petit-Bourg, résistent le plus au vote FN alors que ses gros scores se retrouvent dans les villes dont la population est antillaise et précarisée, où le chômage et la part de population travaillant de l’agriculture (paysans, pêcheurs) sont largement supérieurs à la moyenne du territoire [2] : Désirade (plus de 43% pour le FN au 2nd tour et près de 40% de chômage, « record » guadeloupéen), Marie-Galante, Pointe Noire, Capesterre-Belle-Eau, Baillif, Le Moule ou Sainte-Rose.

Les pêcheurs, les paysans, et les petits artisans antillais qui tiennent les lolos [3] mettent en avant la difficulté de leur travail, le peu de profit qu’ils en tirent -socialement ou économiquement- et la concurrence avec les grandes surfaces dont les articles surgelés, moins chers, de très mauvaise qualité et souvent subventionnés par l’Etat français, viennent d’autres territoires. Ils mettent en avant la précarité (24% de chômage contre 10 pour la France et 56% des moins de 25 ans), l’insécurité (18,5 meurtres pour 100 000 hab en Guadeloupe contre 3,5 dans les Bouches du Rhône soit 6 fois plus que dans un des départements les plus violents de France) et l’immigration de Haïti et de la Dominique (salons de coiffures, prostitution, coupeurs de canne etc.). Et le vote Le Pen apparaît donc comme un vote de rejet des autres nations caribéennes, un vote de repli sur soi identitaire d’imprégnation colonialiste (“nous sommes français, les aides sont pour nous”), mais aussi un vote de révolte où il faut “tout faire péter” car “la vie est chère”, “la France nous oublie”.

Mais l’électorat FN traditionnel de Guadeloupe a permis cette diffusion des idées racistes et colonialistes dans la population antillaise. Le vote FN de la population blanche s’est radicalisée et influence aujourd’hui la petite-bourgeoisie blanche de l’administration coloniale (profs, cadres de la fonction publique) dont une des principales peur est la fin des privilèges des fonctionnaires [4] et dont les prises de position sont proches du FN sur la question de la nation, de l’immigration ou du racisme sans pour autant voter pour ce parti. Sensibles aux thèmes du FN -insécurité, immigration- relayés par les médias guadeloupéens, le prolétariat noir, sa majorité peu politisée et non indépendantiste, mais aussi les descendants d’immigrés de la fin 19è-début 20è siècles de Syrie, du Liban, d’Inde ont peur que les quelques acquis -en fait des cadeaux empoisonnés, un “assistanat colonial”- que leur a légués la France (RSA, chômage, sécurité sociale, subventions) disparaissent à cause de la nouvelle immigration, majoritairement haïtienne et dominiquaise.

(…) Tantquillefaudra

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