ENQUÊTE – Prosélytisme, refus de la mixité, tenues traditionnelles, prières… Le sport est confronté au défi de la radicalisation. La région Île-de-France vient d’instaurer une formation à la détection de jeunes en danger.
(…) Depuis la publication, fin 2015, d’une note confidentielle du Service central du renseignement territorial (SCRT), «Le sport, vecteur de communautarisme, voire de radicalisme», les clubs ont pris conscience des risques. «C’est un phénomène que l’on retrouve partout en Europe, mais que l’on ne veut pas voir, souligne Médéric Chapitaux*, ancien gendarme, fonctionnaire du ministère des Sports devenu consultant. Et auquel personne n’a encore trouvé de parade efficace… Les fédérations sportives n’ont aucun moyen juridique pour évincer un éducateur sportif fiché S, par exemple. Or son influence peut être considérable, puisqu’il peut préparer en même temps le corps et l’esprit à un objectif précis.»
Selon la note du SCRT, les surveillances effectuées sur le terrain, notamment au sein d’associations d’amateurs, ont mis en évidence, sur tout le territoire français, de nombreuses dérives révélant des «noyautages» religieux, voire de graves entorses commises au nom d’un «droit à la différence», orchestrées par des individus se posant en victimes de racisme et d’islamophobie à la moindre remarque. «Le modus operandi qui mène à ces replis communautaires, voire au prosélytisme, est souvent similaire, souligne le rapport. Les effectifs des adhérents de confession musulmane croissent rapidement, puis, forts de leur nombre, pèsent sur la vie du club. Si les dirigeants ne sont pas assez fermes, cet effet de masse conduit à des écarts, comme l’interdiction de l’accès du club-house aux femmes ou la suppression de boissons alcoolisées.»
Le ministère de l’Intérieur confirmait en juillet 2016 que «depuis un certain temps sont apparus dans des espaces dédiés au sport des phénomènes étrangers à son éthique et à ses valeurs: recrutements exclusivement menés au sein d’une communauté particulière, prosélytisme au profit de l’islam, actions de solidarité en faveur de la Palestine, refus de la mixité, tenues traditionnelles et prières». Par ailleurs, précisait-il, «l’apparition dans les clubs sportifs de salafistes et autres islamistes radicaux, dont les canons de la pratique religieuse leur interdisent pourtant le sport, est source de préoccupation et donc de vigilance».(…)
«On a vu que, sur les derniers attentats majeurs que l’on a eus en France, tous les terroristes étaient passés par un club de sport, affirme-t-il. De Mohamed Merah, qui pratiquait le foot, à Yassine Salhi, la boxe thaïe et les MMA (arts martiaux mixtes), en passant par Amedy Coulibaly, adepte de boxe thaïe. Quant à Chérif Kouachi, il a fréquenté un club de foot aujourd’hui dissous, mais remonté sous un autre nom, avec les mêmes pratiques douteuses.»
Pour Médéric Chapitaux, «une erreur fondamentale a été faite autour du mythe “black-blanc-beur”», popularisé par la victoire d’une équipe de France multiethnique à la Coupe du monde de football de 1998: «Cela a conduit à un laisser-faire chez les dirigeants de clubs, analyse-t-il. En 2004-2005 sont apparus les premiers signaux, puis, dès 2010, les revendications religieuses et les problèmes de radicalisation. Les principales disciplines touchées sont les sports de combat, le football et les arts martiaux.» Mais personne n’est épargné: «On se dit: pourquoi pas chez nous aussi?» s’alarme Michel Abravanel, vice-président du conseil fédéral de la Fédération française des sports de glace. Et de raconter une curieuse chorégraphie proposée par une équipe d’adolescentes: «Elles sont arrivées totalement voilées sur la glace, et se sont prosternées, semble-t-il, vers La Mecque. On a fait part de notre malaise aux dirigeants, et cela a permis de désamorcer le problème. Il est difficile de savoir quelle est la limite entre la chorégraphie et le geste prosélyte. Mais, même si c’était anodin, est-ce que, en laissant faire, cela ne prenait pas une signification différente?». (…)
Merci à valdorf