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CHRONIQUE – Pendant des mois de campagne, les sujets qui intéressent la France périphérique ont été soigneusement ignorés, occultés, dédaignés.

C’est une première: jamais l’abstention n’a atteint les 50 % à une élection législative. Mais c’est aussi le résultat d’une inexorable évolution: depuis vingt ans, l’abstention grossit. Elle a touché d’abord les élections les moins enracinées, les européennes et les régionales, puis a atteint les municipales, et enfin les législatives. Seule la présidentielle reste sacrée et engrange les taux de participation d’antan. La vague a atteint les législatives à partir de 2001.

Avec l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier, l’élection des députés est devenue une simple confirmation de la présidentielle. Les Français sont monarchistes et légitimistes: le roi républicain élu, ils le laissent désigner les députés. Les partisans du nouveau monarque votent pour ses candidats ; ses adversaires se retirent. Par préséance! C’est ce qui s’était passé en 1981 en faveur de la gauche et en 2007 en faveur de la droite. C’est ce qui s’est passé cette fois-ci.

Mais la logique de la Ve République n’épuise pas le sujet de l’abstention. Ce sont les classes populaires qui ont boudé les urnes. Les jeunes, les ouvriers, les employés. Les habitants de la France périphérique et des banlieues pour une fois unies. Les électeurs du Front national et de la France insoumise. La France que les élites qualifient de populaire quand elle habite les banlieues et de populiste quand elle réside dans le périurbain. Comme si elle avait été écrasée par sa défaite idéologique.

Une défaite remarquablement préparée par une puissante offensive d’artillerie médiatique. Pendant des mois de campagne, les sujets qui intéressent la France périphérique ont été soigneusement ignorés, occultés, dédaignés. On n’a pas parlé d’immigration, d’islam, de laïcité. On n’a surtout pas parlé d’identité de la France. Encore moins des vagues de migrants qui déferlent en ce moment sur les côtes italiennes. On a parlé jusqu’à satiété d’économie, d’euro, de droit du travail.

L’économisme a régné en maître incontesté. Les sujets «nobles» ont relégué les sujets que les médias et les élites trouvent «vulgaires». Marine le Pen elle-même a prêté la main à cette opération de nettoyage idéologique. Elle a privilégié la question de l’euro à celle de l’islam. Son résultat décevant est la conséquence directe de ce choix. Ses électeurs furieux et vindicatifs sont restés à la maison, la privant des dizaines de députés dont elle rêvait.

Cette forte abstention populaire fait renaître le suffrage censitaire. Au-dessous d’un certain revenu, on ne paye pas d’impôt direct (ni impôt sur le revenu ni bientôt de taxe d’habitation) et on n’est pas vraiment un citoyen à part entière puisque les sujets qui vous importent ne sont pas jugés suffisamment nobles pour atteindre la sphère du débat public.

Le bloc bourgeois favorable à la mondialisation, à «l’ouverture» et à l’Europe, qui a fait l’élection de Macron, a retrouvé la totale maîtrise du débat idéologique et politique. Encore une fois, le moment Macron nous ramène à celui de 1830, quand le suffrage universel était refusé par des bourgeois qui se méfiaient des «classes dangereuses». Enrichissez-vous, leur conseillait Guizot.

Le Figaro

Merci à valdorf

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