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Dans une tribune au « Monde », Masrour Makaremi, médecin français, explique qu’il a fallu qu’il échange un regard avec l’un des cadres du Front national pour repenser son patriotisme.

«Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de la division ni imposer notre représentation de la patrie de façon hégémonique ».

Quelles idées se dissimulaient derrière un tel regard ? Qu’allait-il se passer si vous accédiez au pouvoir ? Pourrions-nous continuer à vivre en paix ? Pourrais-je assurer la sécurité de mes enfants ?

C’était le 29 avril 2017, la campagne d’entre-deux tours de la présidentielle atteignait son paroxysme. Nous étions à l’aéroport Charles-de-Gaulle, un peu avant 18 heures 30, je venais de m’installer à ma place dans le vol AF7626 à destination de Bordeaux, entamant le dernier roman d’Amin Maalouf. Vous êtes monté dans l’avion quelques instants après moi, votre place était juste devant la mienne. Machinalement, j’ai levé la tête – nos regards se sont croisés.

Un regard peut révéler la vérité ; le vôtre était limpide et intense, il exprimait la répulsion que vous inspirait ma proximité, il me signifiait à quel point ma présence vous paraissait incongrue. Bien que de tels cas se raréfient au fil du temps, j’ai appris à reconnaître le regard de ceux qui me jugent sur mes origines ; nul doute, le vôtre en faisait partie.

Une fois encaissé le choc de ce regard, je me suis dit que votre visage m’était familier, puis j’ai vu cette tulipe bleue sur votre veste. Juste avant le décollage, je me suis mis à parcourir des images des cadres du Front national sur mon téléphone. À ce moment-là, repenser à votre regard m’a glacé le sang.

Je me sentais désemparé, j’étais pris dans un tourbillon d’interrogations – celui que la violence de votre regard avait suscité en moi. […]

Le Monde

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