Moralisation, transparence et renouvellement sont les nouveaux mots qui régissent le monde politique. La vertu est à l’honneur, et les «affaires» rythment l’actualité. Dominique Reynié, professeur des Universités à Sciences Po Paris, s’inquiète d’un mouvement sans fin qui ne garantit pas l’exercice serein de la démocratie.
On demande des signes extérieurs de vertu, mais cela fait-il de vous un type bien ? Après tout, Robespierre aurait été validé par la Haute autorité à la transparence.
De Cahuzac à Bayrou, en passant par Fillon, les «affaires» en politique se multiplient, quitte à éluder les débats de fond. Que vous inspirent ces impératifs de transparence et de moralisation ?
La moralisation et la transparence font partie de ces débats impossibles. Ils sont a priori pertinents et légitimes, indiscutables. Aucun homme politique candidat a une élection n’osera remettre en question les conséquences de cette mécanique. C’est le sujet démagogique par excellence. Je me souviens de cette phrase terrible de Benoit Hamon à propos des écoutes de Nicolas Sarkozy: «Si on sait que potentiellement on peut être écouté et qu’on n’a rien à cacher, il n’y a pas de problème à être écouté». Il y a une logique totalitaire effrayante qui conduit désormais les hommes politiques à être présumés coupables. […]
Sans verser dans le robespierrisme, n’y a-t-il pas pourtant une nécessité d’assainir la vie publique française ?
Il faut faire attention aux mots que nous utilisons: «moralisation» et «transparence» ne signifient pas la même chose. Qu’il y ait une Haute autorité qui veuille connaître dans le détail le patrimoine des élus et des responsables de l’exécutif pour s’assurer qu’au cours de leur mandat ils n’ont pas profité de leur fonction pour s’enrichir indûment, me paraît absolument nécessaire. […] La transparence c’est autre chose: c’est rendre visible ces opérations. Cela installe l’idée de suspicion, y compris à l’égard de l’institution judiciaire elle-même, puisqu’il paraît nécessaire de la soumettre au regard du public. […]
Ne pensez-vous qu’il est extrêmement dangereux pour Emmanuel Macron d’avoir placé son début de quinquennat sous l’égide de cette moralisation ?
J’ai été frappé pendant les législatives par la multiplication de mises en cause des candidats. Il y en avait trop pour que ça puisse retenir l’attention des médias nationaux, mais de nombreux candidats qui ont été visés par des considérations morales, qui ont vu leur passé ou leur patrimoine fouillé, voire farfouillé. […]