Selon un collectif de chercheurs, l’identité serait devenue un objet de peurs récurrentes.
On nous le répète à l’envi: l’identité française est en danger ! L’école n’apprend plus à aimer son pays, les quartiers sont minés par le communautarisme, l’insécurité explose, les burkinis envahissent les plages : à intervalles réguliers, on nous demande d’avoir peur. A croire que la panique est devenue un gage de patriotisme. Mais l’effroi ne fait pas un projet commun, et la raison commande de commencer par s’en méfier. Emmené par Laurence de Cock et Régis Meyran, un collectif de chercheurs en sciences sociales propose un kit de survie contre à ces «paniques identitaires».
Panique identitaire ? L’expression vient du concept de «panique morale» forgé par la sociologie anglaise. En 1964, une bataille entre bandes de jeunes (à l’époque, les «mods» contre les «rockers»…) suscite une énorme émotion. La société britannique crie à l’invasion et se sent menacée dans son existence. Aujourd’hui, on dirait: dans son identité. Et c’est le fil rouge de l’ouvrage: comment éviter de faire de l’identité un instrument d’exclusion ? Comment ne pas céder à la panique ?
D’abord, en étant précis sur les mots. Dans un article, Régis Meyran raconte comment la notion de «crise d’identité», inventée aux Etats-Unis pour diagnostiquer le malaise des adolescents, a été étendue aux groupes sociaux dominés, en particulier les Afro-Américains. Ironie de l’Histoire: désormais, dans l’Amérique de Trump et dans l’Europe en proie aux démagogues xénophobes, c’est le groupe dominant qui affirme souffrir de problèmes d’identité. Deux autres termes d’usage récent font l’objet d’un travail généalogique similaire, «communautarisme» et «France périurbaine». Fabrice Dhume et Cécile Gintrac mettent au jour la réduction de la réalité à une poignée de formules chocs qu’on se jette au visage dans les débats télévisés, à seule fin de semer la peur. […]