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INTERVIEW – Le recadrage public du général de Villiers, suivi de sa démission, était une «humiliation inutile» et une «faute politique» d’Emmanuel Macron, estime le président du think tank Synopia Alexandre Malafaye.

La crise ouverte entre le président de la République et le chef d’état-major des armées s’est dénouée mercredi avec la démission du général Pierre de Villiers. Le chef d’état-major protestait depuis plusieurs semaines contre les coupes budgétaires annoncées pour l’armée, qui entraient selon lui en contradiction avec la promesse de campagne d’Emmanuel Macron de porter le budget de la Défense à 2% du PIB d’ici à 2025. Mais son bras de fer avec le pouvoir politique s’est progressivement envenimé, jusqu’au soir du 13 juillet où Emmanuel Macron l’a publiquement recadré au ministère des Armées.

LE FIGARO.Êtes-vous surpris par l’annonce de la démission du général de Villiers?

Alexandre MALAFAYE.- Je ne suis pas surpris, à deux titres. Par cette décision, le général de Villiers prend acte du non respect d’un engagement de campagne, pris à grand renfort de communication, de renforcer les moyens des armées. Sa démission est aussi un signal fort envoyé à Emmanuel Macron pour lui signifier qu’il ne peut pas se comporter comme cela. Ce recadrage public infligé par le président n’était pas acceptable pour le chef d’Etat-major des Armées. Il a commis une faute de management.

Qu’est-ce que cette passe d’arme avec le général de Villiers dit de la «méthode Macron»?

Cet épisode me laisse très inquiet pour la suite. Il nous a montré que l’on avait élu un homme que l’on ne connaît pas dans l’exercice du pouvoir. Faire preuve d’autocratie dès que la conjoncture se tend, cela ne peut pas fonctionner longtemps. Avec un tel précédent, qui osera demain discuter une décision d’Emmanuel Macron? C’est pourtant l’exercice normal de la démocratie.

Et qu’à voulu montrer le chef Macron par la nomination du général Lecrointre pour lui succéder?

C’est un choix de rupture avec la pratique. La logique aurait pu guider Emmanuel Macron vers une personnalité comme le major général des armées, l’amiral Philippe Coindreau. Il est le numéro deux des armées, et il est particulièrement au fait des enjeux relatifs aux moyens de la Défense. Mais en nommant le général Lecointre, il casse le modèle. Emmanuel Macron est allé chercher quelqu’un de deux grades en dessous du général de Villiers. Il n’a pas commandé d’armée, et il va se retrouver à la tête des trois armées. C’est significatif de la méthode Macron, qui porte un message de renouvellement et de rajeunissement de l’appareil d’Etat. Par ailleurs, le général Lecointre est un très bon choix. C’est un homme plus jeune, chef du cabinet militaire d’Edouard Philippe, d’une grande valeur militaire. C’est un homme de terrain, qui a entendu les balles siffler en Bosnie.

Mais cette méthode de management d’Emmanuel Macron, issue du monde de l’entreprise, est-elle compatible avec le monde militaire?

Même dans le monde de l’entreprise, cette méthode de management est proscrite. Un patron évitera toujours de faire ce type de recadrage en public. C’est une humiliation inutile, surtout pour une personnalité telle que le général de Villiers qui n’a pas démérité ; Emmanuel Macon lui-même l’avait prolongé dans ses fonctions un mois plus tôt… Par cette exécution publique, le président a commis une faute politique sérieuse. Tout le monde est perdant, Emmanuel Macron a provoqué une crise de défiance dans le monde militaire, mais aussi civile. Il a connu un début de mandat en quasi lévitation, mais cette nouvelle tâche qui vient s’ajouter à toutes les autres -affaire Ferrand, démission de Bayrou et de Sarnez, affaire Business France- va finir par ternir ce début de mandat, comme celui de Nicolas Sarkozy l’avait été par le Fouquet’s ou le yatch de Vincent Bolloré.

Le Figaro

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