Ils étaient cadres, avaient des métiers prestigieux, gagnaient bien leur vie mais ils ont choisi de tout plaquer pour se lancer dans un métier manuel. Portrait de ces jeunes diplômés passés de “HEC au CAP”.
Le regard des gens sur ces métiers changent peu à peu. “Au début mes amis me regardaient bizarrement, confie Fred Jourden de Blitz. Passer la journée les genoux dans la merde, avec les ongles sales et gagner beaucoup moins d’argent, ils ne comprenaient vraiment pas. Mais depuis quelques temps, leur regard a changé sur nous. On est devenu des sortes de héros.”
“Le déclic ça a peut-être été la discussion avec mon grand-père à Noël. Chaque année il me demandait ce que je faisais et j’étais incapable de lui expliquer à lui qui n’avait jamais envoyé ne serait-ce qu’un fax. Là, j’ai compris qu’il y avait un problème. ” C’est comme ça que Fred Jourden est devenu garagiste, un métier pour lequel rien ne le prédestinait. Diplômé de Sup de co Amiens, chef de pub à la station de radio NRJ avant de devenir responsable marketing de l’ancien service de mails Caramail puis de Lycos avant de prendre la direction marketing d’un site de poker, il avait pourtant un parcours dont rêverait bien des salariés en France. “A la fin je gagnais 15.000 euros par mois, j’étais apprécié dans mon job mais j’avais de plus en plus l’impression de ne pas être dans mon élément, explique-t-il. Et comme mon hobby c’était de réparer et retaper des motos, j’ai décidé de tout plaquer pour me lancer là-dedans. ” Ainsi est née Blitz Motorcycles, une société qui conçoit et retape d’anciennes motos.
S’il est difficile de chiffrer cet engouement des jeunes cadres pour les métiers manuels, il y a tout de même un chiffre qui a surpris Pierre Lamblin, le directeur des études à l’Apec. “Nous avons constaté que 14% des jeunes diplômés (Bac +5 ou plus) ont changé significativement d’orientation professionnelle dans les deux ans qui ont suivi le diplôme, indique-t-il. Et parmi eux, un sur cinq a repris une formation complémentaire. ” Difficile de savoir combien ont opté pour une formation ou un métier manuel en revanche. “Nous avons mené une enquête où nous avons interrogé 26 jeunes qui s’étaient réorientés et nous avons pas de cas vraiment étonnants comme une ancienne ingénieur agronome devenue sage-femme ou un banquier devenu peintre“, détaille Pierre Lamblin. […]
il faut pour les autres en passer par le CAP. Un choc des cultures souvent pour ces jeunes. C’est que décrit Hubert Frouart-Hibou, ancien sommelier dans les restaurants trois étoiles qui s’est lancé dans la plomberie il y a trois ans. “Je me suis retrouvé dans un CAP à Stains [93] avec des gens envoyés par Pôle Emploi et qui n’avaient clairement pas envie d’être là. Certains ne savaient même pas ce qu’était un diamètre ou un rayon. Je n’ai pas du tout réussi à m’adapter. ” Fred Jourden, l’ancien cadre de l’internet devenu garagiste a lui passé son CAP en cours du soir. “C’était dur, les gens ne parlaient pas français. Ils prenaient des cours pour apprendre la langue mais ils avaient un savoir-faire sur la mécanique. Ils voulaient surtout le diplôme pour trouver du boulot en France.” […]