Le sociologue Michel Fize critique, dans une tribune au « Monde », la surmédiatisation, mais aussi les multiples démonstrations de solidarité à l’égard des victimes des attentats en Catalogne.
Les victimes après tout ont aussi le droit de ne pas être instrumentalisées.
A trop montrer – en boucle dorénavant sur toutes les chaînes de télévision – les attentats terroristes dans leurs aspects les plus sordides, à multiplier les témoignages de gens éplorés, forcément on stimule les appétits guerriers d’apprentis terroristes en mal de reconnaissance sociale. Les médias, le regard rivé sur l’audimat – le voyeurisme, souvent inconscient, du public faisant le reste –, créent ainsi des vocations meurtrières par simple contagion.
Pour un terroriste, voir sur les écrans un frère abattu, avec photo à l’appui, constitue un puissant stimulant au passage à l’acte meurtrier car, pour un fanatique islamiste, la mort est bien l’offrande suprême de Dieu. L’exécution d’un terroriste sur la scène de crime, que nous tenons pour une défaite infligée à l’islamisme, est au contraire considérée comme une victoire par notre adversaire. Tomber sous les balles des « mécréants », en plus de vous transformer en héros, vous ouvre les portes du paradis.
Ajoutons que la diffusion en boucle des images des crimes terroristes crée pareillement chez tous les déséquilibrés mentaux une volonté d’agir (on vient de le voir à Marseille avec l’attaque d’un abribus). Djihadistes et malades mentaux savent parfaitement qu’il faut commettre un acte ignoble pour mobiliser l’appareil médiatique. Ils profitent seulement de l’opportunité offerte.
A trop scénariser enfin l’émotionnel collectif, on encourage tout autant les actions criminelles. Par toutes ces démonstrations réactives de recueillement, de prières, de défilés, nous montrons moins aux fanatiques que nous sommes solidaires, rassemblés, qu’éprouvés, affectés par les actes d’horreur commis. […]