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Le Conseil représentatif des associations noires (Cran) réclame le remplacement des «statues de la honte», comme celle de Jean-Baptiste Colbert, auteur du Code noir, à l’Assemblée nationale, par des figures de personnalités ayant lutté contre l’esclavage et le racisme. Il veut également faire débaptiser des rues dans des villes comme Bordeaux ou Nantes.

La rue du Général-Richepanse, à la limite des Ier et VIIIe arrondissements [de Paris], a certes été débaptisée en 2002 sur décision de Bertrand Delanoë, mais il subsiste dans le XVIe arrondissement une place et même une statue à la mémoire du maréchal Jean-Baptiste Donatien de Vimeur de Rochambeau (1725-1807), qui mata dans le sang la révolte des esclaves à Haïti.

La poussée de violences de l’alt-right aux Etats-Unis ces deux dernières semaines, nourrie par sa volonté de préserver des symboles racistes et colonialistes comme la statue du général Lee que des manifestants progressistes voulaient déboulonner à Charlottesville (Virginie), ne doit pas faire oublier que la France, elle aussi, possède ses monuments et rues à la gloire de quelques esclavagistes notoires. «La persistance de ces honneurs, malgré l’évolution des consciences et du droit, installe, dans l’esprit de beaucoup de citoyens, une impression de banalisation d’une histoire qui est non seulement aux origines de la mondialisation mais aussi nourrit les mouvements d’extrême droite», déplorait lundi Mémoires & Partages dans un communiqué. L’association installée à Bordeaux a recensé une vingtaine de noms litigieux dans le chef-lieu de la Gironde et plusieurs dizaines au total dans les 17 ports français qui ont participé à la traite de 1,3 million d’esclaves entre le XVIIe siècle et l’abolition de 1848 – les chiffres de ce crime contre l’humanité sont très sous-estimés puisqu’ils ne comptent pas les personnes tuées lors des captures. […]

Dans les villes françaises naguère dopées par le commerce triangulaire, pas question pour le moment de changer les plaques. «Aucune modification n’est prévue car cela impliquerait au préalable un travail de recherche conséquent», fait savoir la mairie (LR) de Bordeaux, interpellée sur le sujet depuis 2009 par Mémoires & Partages. De son côté, Nantes «ne souhaite pas modifier les noms de rues, précisément parce que cela fait partie de l’histoire et du patrimoine de la ville, aussi funestes soient-ils». La mairie souligne qu’elle a œuvré pour créer de «nombreux lieux de mémoire et le programme d’animation en lien avec la commémoration de l’abolition de l’esclavage». […]

«Jusqu’ici, à propos de Charlottesville, les commentateurs français ont dénoncé le racisme américain (très important, il est vrai), sans jamais voir la poutre dans l’œil de la France. Que dire de toutes ces rues portant des noms comme Balguerie et Gradis à Bordeaux (ville d’Alain Juppé), Grou et Leroy à Nantes (ville de Jean-Marc Ayrault), Masurier et Lecouvreur au Havre (ville d’Edouard Philippe) ?»

«Vos héros sont nos bourreaux. […] N’y a-t-il pas un lien entre le piédestal où l’on met les esclavagistes et le mépris social que subissent les descendants d’esclaves ?» écrit, dans le texte, le président du Cran, Louis-Georges Tin.

Libération : 1 ; 2

Merci à Pythéas

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