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Deux étudiants-dealers, Taha et Zakaryia, assassinent leur amie Eva Bourseau et tentent de dissoudre le corps dans de l’acide. Aux enquêteurs, ils avoueront s’être inspirés de la série.

Il est 7 h 41, en cette matinée du lundi 27 juillet 2015. Taha Mrani Alaoui (21 ans) et Zakariya Banouni (18 ans) sortent de chez Eva Bourseau (23 ans). Ils viennent de la tuer : pour quelques centaines d’euros de dettes, une dizaine de grammes de MDMA (méthamphétamine) et une centaine de cachets d’ecstasy. Les trois jeunes gens ont passé une nuit blanche au cours de laquelle ils ont consommé de la drogue – ecstasy et atropine – tout en regardant un documentaire à la télévision. Zakariya lui a cassé la mâchoire à l’aide d’un coup-de-poing américain et Taha lui a défoncé le crâne avec un pied-de-biche. Avant de filer, les deux garçons ont partiellement nettoyé la pièce. Reste une question qui hante leurs esprits embués par les drogues : que faire du corps ? Le temps d’envisager un ou deux scénarios improbables et l’idée jaillit du cerveau de Taha : « J’ai pensé à la série “Breaking Bad”, déclare-t-il un mois et demi plus tard, j’ai demandé à Zakariya Banouni s’il connaissait la série et s’il se rappelait la scène où ils mettaient le corps dans l’acide. » Celui-ci acquiesce. « Une bonne idée », selon Taha.

Après quelques heures de sommeil, le duo s’organise. Zakariya achète trois bidons de 5 litres d’acide chlorhydrique. Le lendemain, Taha se procure un grand bac en polyéthylène et le soir même ils retournent dans l’appartement d’Eva. Las, le corps entre difficilement dans cette caisse et la quantité d’acide est insuffisante. Pas de quoi décourager les deux comparses, qui reviennent le lendemain avec 12 litres d’acide supplémentaires. Nous sommes le mercredi 29 juillet. Jusqu’à la soirée du lundi 3 août – date à laquelle les proches d’Eva, inquiets de son silence, alertent les pompiers –, Taha et Zakariya multiplient les visites dans l’appartement afin de calfeutrer les issues et suivre la décomposition du corps.

Au moment des faits, Eva, Taha et Zakariya, tous trois étudiants à Toulouse, se connaissent depuis près d’un an. Ils ont en commun une forte addiction à toutes sortes de drogues – cannabis, acide, LSD, amphétamines, cocaïne… – et les trafics auxquels ils se livrent pour financer leur consommation. Ils se croisent dans des soirées. L’usage des stupéfiants crée une sorte de complicité, particulièrement entre Eva et Taha.

Taha vit seul à Toulouse depuis deux ans. Il a grandi au Maroc, à Casablanca, dans une famille bourgeoise – père journaliste, mère chef dans un laboratoire – qui place les études au cœur de toute l’éducation. Lui et sa sœur aînée étudient dans les meilleurs établissements du royaume. Taha est un élève doué qui brille particulièrement en mathématiques. Il quitte son pays une fois son bac en poche et à l’issue de deux années en classes préparatoires. Il échoue d’un rien à Polytechnique et intègre l’ENSEEIHT (Ecole nationale supérieure d’électrotechnique et technique, d’informatique, d’hydraulique et télécommunications), à Toulouse, à la rentrée 2013. Il en est exclu l’année suivante en raison de ses « absences injustifiées ». Il s’inscrit alors à l’université Toulouse-III Paul-Sabatier, section mathématiques. Il n’accroche pas. De semaine en semaine, sa présence aux cours se raréfie. Il mène une vie de plus en plus dissolue.

Début 2015, il abandonne la fac. En septembre 2014, il avait rencontré Zakariya dans une soirée d’étudiants marocains. Et, selon ses dires, c’est à partir de cette période que tout se délite. Zakariya a trois ans de moins que Taha. Lui aussi est un élève brillant. Né à Agen, il a grandi dans une famille d’origine marocaine. Son père est électricien, sa mère est assistante maternelle. En septembre 2010, Zakariya est admis en seconde au lycée Pierre-de-Fermat à Toulouse. L’un des établissements les plus prestigieux de la ville. Il est reçu au bac S trois ans plus tard et intègre la prépa scientifique de l’établissement à la rentrée 2013.

Deux ans ont passé. L’affaire instruite au tribunal de grande instance de Toulouse est quasiment bouclée. Le procès devrait se tenir vers la fin de l’année 2018. Les deux garçons, brillants élèves et longtemps promis au plus bel avenir, encourent la perpétuité.

(…) Le Monde

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