Un dossier pour mettre de côté les débats identitaires et plonger, avec un œil neuf, dans cinq siècles d’histoire gauloise. Jusqu’à Astérix, les Français n’auraient pas d’autres ancêtres. Or, historiens et archéologues ont désormais mis au jour une civilisation prospère, élaborée et raffinée avec des États, une science, un art, [..]
Dans nos livres d’histoire, la civilisation gauloise ne prend consistance qu’avec la conquête romaine. C’est qu’elle a longtemps souffert de la quasi-absence de sources textuelles. L’archéologie et l’anthropologie nous en donnent aujourd’hui une image bien différente.
L’Histoire : Qui sont les Gaulois ? Que peut-on savoir sur eux ?
Laurent Olivier : La question est compliquée car les « Gaulois » ne se sont jamais définis eux-mêmes. On n’a d’eux qu’une image construite de l’extérieur. Ce sont les Grecs de Marseille qui, au VIe siècle av. J.-C., entrent en contact avec des populations locales qu’ils appellent Celtes (Keltoi), disent-ils. Puis, à partir du IVe siècle av. J.-C., les Romains ont affaire à des invasions, venues de peuples qu’ils désignent sous le nom de Gaulois (Galli). Pour eux, les Gaulois sont les habitants d’un pays barbare indéterminé […]
Les druides : savants et très politiques
Aimables cueilleurs de gui, vêtus de leur toge blanche ou prêtres inquiétants sacrifiant leurs congénères : les images d’Épinal sur les druides ont vécu. Ils étaient plutôt des savants. Et leurs préoccupations philosophiques les ont aussi conduits à se saisir des questions politiques.
Les druides ne sont connus que par une petite quarantaine de textes antiques. Le témoignage le plus remarquable, par les détails qu’il livre, figure dans la Guerre des Gaules de César. Depuis la Renaissance, où il a été traduit et largement diffusé, il a suscité toutes les opinions sur ces énigmatiques personnages. César les présente de façon paradoxale : à ses yeux ils seraient à la fois des prêtres dont il laisse entendre qu’ils pouvaient organiser des sacrifices humains, des juges respectés par toute la population et des éducateurs de la jeunesse. Ces fonctions apparemment contradictoires ont biaisé l’analyse des historiens pendant cinq siècles et alimenté les fantasmes. […]
Idées reçues sur les Gaulois à l’école
On accuse souvent l’école d’avoir propagé jusque dans les colonies des clichés sur « nos ancêtres les Gaulois ». Les choses ne sont pas si simples.
L’Histoire : Depuis quand enseigne-t-on l’histoire des Gaulois à l’école ?
Benoît Falaize : Il faut faire la part de ce qu’on enseigne aux élèves et de ce qu’on enseigne aux futurs maîtres. Dès 1838, le programme pour les écoles normales contenait un chapitre sur l’état de la Gaule à la fin du IVe siècle, sorte de tableau de la France à l’avènement des Mérovingiens que l’on place alors aux origines de la France.
Dans les classes, c’est sous Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III et lui-même historien de l’Antiquité, que les Gaulois deviennent obligatoires.
Il y a cent cinquante ans, Napoléon III inaugurait, au château de Saint-Germain-en-Laye, un musée d’Archéologie nationale, surtout consacré aux Gaulois.
Le musée d’Archéologie nationale (MAN) a été inauguré en 1867. Hilaire Multon, son directeur, revient sur l’histoire, le projet et l’avenir de l’institution.
L’Histoire : Dans quel contexte le MAN a-t-il été créé ?
Hilaire Multon : L’établissement est fondé en mars 1862 sous le nom de musée des Antiquités celtiques et gallo-romaines et ouvre ses portes pour l’Exposition universelle le 12 mai 1867. Initiative de Napoléon III, le projet s’inscrit dans le mouvement de création d’institutions qui cherchent à construire des récits nationaux souvent légitimés par des objets archéologiques. Un musée similaire a été créé au Danemark dès 1807 par Christian Jürgensen Thomsen ; il y a aussi le Musée romain-germanique de Mayence, fondé en 1852, qui est un peu le jumeau de Saint-Germain. […]
Merci à Pierrick