Il n’était pas pour. Mais son fils lui disait : « Papa, j’ai 20 ans, je veux profiter. Je veux aller voir la mer. » Il lui avait assuré qu’il n’irait pas à Marseille. Mais le lendemain, en cachette, Bilal Elabdani a pris le train depuis Vienne pour la cité du Vieux-Port. Il n’en est jamais revenu. Retrouvé mort dans sa cellule de la prison des Baumettes 2, le 10 août.
« Rien ne tient la route dans cette histoire »
Entre-temps, il s’est passé quatre jours que ses parents tentent de reconstituer. Car, selon Mohammed Elabdani, il est impossible que son fils se soit suicidé. Même si Bilal était une personne fragile. Reconnu comme handicapé à plus de 70 %. Bipolaire selon son père, avec un lourd traitement médicamenteux. Et quelques tentatives de suicide par le passé.
À Marseille, après deux nuits dans un hôtel, Bilal se retrouve en garde à vue. Sa famille à Vienne est contactée. Elle ne comprend pas vraiment les motifs de l’arrestation mais précise bien que Bilal est handicapé et fournit des documents l’attestant. Il aurait crié “Allah Akbar”, aurait récité des versets du Coran trop forts dans l’hôtel et en aurait écrits sur les murs. C’est une des versions retenues. Car ni l’avocat ni la famille n’ont pu avoir accès au dossier. Bilal est soupçonné d’apologie du terrorisme avant de comparaître pour outrage, rébellion et dégradations. Placé en détention le soir même aux Baumettes 2, il a été retrouvé pendu avec ses draps selon l’AFP. Une version que ne peut croire sa famille. « Pourquoi a-t-on récupéré le corps seulement 20 jours plus tard ? Rien ne tient la route dans cette histoire. On n’a pas pu voir le rapport de la maison d’arrêt. Et puis on n’a pas à mettre un gamin de 20 ans, fragile, en prison, pour ces motifs. C’est inhumain. » La famille ne veut pas en rester là. Elle pose des questions à l’administration pénitentiaire, appelle les commissariats de la ville… En vain. L’avocat de la famille Me Jérôme Pouillaude, dépose plainte pour “homicide volontaire”. « Les erreurs judiciaires se sont enchaînées les unes après les autres : comment se fait-il que l’expertise psychiatrique n’a pas décelé son handicap. Pour moi, il y a non-assistance à personne en danger. Personne n’a levé le petit doigt pour Bilal », commente Mohammed Elabdani, qui se dit « déboussolé ».
(…) Le Dauphiné