Avec ses polos d’étudiant et ses phrases chocs, Jean Druel détonne dans le paysage religieux. Ce prêtre parfaitement arabophone, directeur de l’Institut dominicain d’études orientales au Caire (IDEO) depuis 2014, vient de publier Je crois en Dieu, moi non plus – Introduction aux principes du dialogue interreligieux. Un essai sous forme de boîte à outils pour nous aider à sortir des débats stériles. Interview sur le Bondy Blog.
[…]Est-ce que le dialogue interreligieux peut lutter contre le terrorisme perpétré au nom de la religion ?
Le dialogue interreligieux n’est pas une arme contre le terrorisme. C’est naïf de vouloir l’instrumentaliser pour détruire le terrorisme et on risque d’être vite déçu. Il faut des moyens armés et bien plus. On a dépassé un tel seuil qu’on ne peut pas se retrouver autour de la table comme ça… Prenez l’ETA [groupe terroriste indépendantiste basque, ndlr], ça a pris des années pour en sortir. En revanche, le dialogue interreligieux a des effets tangibles sur ceux qui le pratiquent : ils vivent mieux ! On a moins peur des autres et de la diversité. On ne se sent pas en permanence agressé par ce qui se passe. Je le fais pour vivre en paix avec les gens autour de moi, pas pour combattre les terroristes.
[…]La religion est devenue omniprésente dans l’actualité, particulièrement en France. Et pourtant ces débats semblent souvent tourner en rond et n’aboutir qu’à des prises de positions de plus en plus antagonistes. Comment en sortir ?
On tourne rond parce que personne n’est prêt à changer. Or le dialogue interreligieux ne mène à rien si personne n’est prêt à bouger. Le contexte de ces débats est souvent polémique et oppose souvent une majorité face à une minorité. Résultat : chacun se réfugie dans des positions identitaires. Une fois qu’on a dit : “le voile ne fait pas partie de la culture française”, bon bah super et donc on fait quoi ?
A-t-on le droit d’interroger ce qu’est la culture française ? Il faudrait qu’on accepte de faire de la place. Oui, la société française est multiculturelle et multi-religieuse, c’est un fait et il y a plusieurs façons d’être français.
Quand, en face, on a le discours suivant : “le voile fait partie des obligations musulmanes”, on tombe aussi dans un discours identitaire, car c’est faux . Le voile est tout à fait négociable. C’est tout l’enjeu du fiqh [la jurisprudence en islam, ndlr]. Il y a quatorze siècles de jurisprudence pour adapter la charia au contexte. Ça n’a pas de sens de vouloir importer un islam “tout prêt” au sens de prescriptions gravées dans le marbre. […]