INTERVIEW – Alice Schwarzer est la fondatrice et rédactrice en chef du magazine Emma. C’est la grande figure du féminisme en Allemagne.
Quel regard portez-vous sur Angela Merkel ?
“Je ne lui reprocherais qu’une seule erreur: avant même la crise migratoire, elle n’a pas perçu la différence entre l’islam et l’islamisme, entre la religion et l’idéologie politique.
Elle a été finalement assez protestante dans son attitude: elle n’a voulu parler que du respect envers les autres religions. De cette fausse perception sur la politisation de l’islam ont découlé de nombreuses erreurs. Aujourd’hui, un jeune musulman sur deux ou sur trois pense que «les lois de Dieu» l’emportent sur l’État de droit. C’est nouveau et un retour en arrière. La troisième génération de musulmans en Allemagne parle moins l’allemand que leurs grands-parents, à cause de la propagande islamiste, qui leur déconseille de s’intégrer.”
Vous avez été souvent critiquée, ainsi que votre journal Emma, pour vos positions contre l’islamisme. On vous a accusée de racisme…
“C’est ainsi partout dans le monde. Quand on critique l’islam politique, on est accusé d’être islamophobe ou raciste. En Allemagne, ça pèse encore plus lourd à cause de notre histoire. Mais c’est un instrument d’intimidation. Si on n’ose pas nommer la réalité, on ne peut la changer. Ce qui est raciste, c’est de laisser la majorité des musulmans non fondamentalistes seule, livrée à la minorité radicale. Ce sont eux qui ont droit à notre solidarité – et les filles et les femmes doivent avoir les mêmes libertés que nous.”
En parle-t-on assez durant cette campagne électorale?
“C’est «l’éléphant dans le salon», comme on dit en allemand. Il est là mais personne ne veut le voir. C’est pourtant le sujet numéro un de préoccupation des gens. Aucun parti n’en parle vraiment sauf l’AfD. En ce qui concerne l’islamisme, le programme de l’AfD n’est pas raciste, même si certains de ses membres s’expriment de manière raciste.”
L’ouverture des frontières en 2015 a-t-elle été une erreur?
“Au moment où la chancelière a ouvert les frontières, presque tout le monde s’est enthousiasmé. Nous étions enfin de bons Allemands et, après avoir fait de si méchantes choses dans notre histoire, nous aidions de pauvres gens. J’étais fière moi aussi. J’ai commencé à douter quand j’ai vu les gens applaudir dans la gare de Munich. Mais pourquoi applaudissaient-ils? Quelle était cette mise en scène? Et qui arrivait là chez nous? Pendant six longs mois, il n’y a eu aucun contrôle.”
Merci à valdorf