Reportage des Inrocks à la Maison des femmes de Saint-Denis en Seine-Saint-Denis.
Désireuse de devenir mère, cette ancienne fonctionnaire au Ministère de la culture sénégalais n’arrive pas à tomber enceinte. La pression de la belle-famille est forte : “On me disait qu’une femme qui n’a pas d’enfants n’a pas sa place dans le foyer.” Mais Aïssatou n’est pas quelqu’un du genre “à rester les bras croisés” : elle se rend en France pour une Fécondation in Vitro, le rendez-vous est annulé. Nous sommes en 2008, elle a 39 ans à l’époque, elle décide de rester.
Pour rentrer à la Maison des femmes, Khadija [Tous les prénoms ont été modifiés], élégante quadragénaire aux mains graciles, a dû sonner à la porte. Comme le symbole d’un lieu rassurant, sécurisé ; mais en même temps ouvert sur le monde puisque, pour y accéder, il suffit d’appuyer sur ce petit bouton métallisé. Pourtant, il n’est pas toujours facile d’entreprendre cette démarche, d’apparence anodine : la plupart des patientes de cet établissement socio-médical situé à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ont vécu, ou vivent, des situations difficiles, tragiques, voire tout cela en même temps – Khadija, venue consulter pour des complications liées à son excision, subie alors qu’elle n’était qu’une petite fille en Guinée, assure par exemple connaître “toutes les douleurs du monde”. Enfin, exceptée une seule : “Celle de la mort.”
Dans ce lieu neuf, coloré et bien entretenu, entouré de verdure, les femmes comme Khadija trouvent écoute, conseils, soins, et, surtout, bienveillance. De l’aide matérielle, aussi : des vêtements sont à distribuer tandis qu’au standard, des serviettes hygiéniques et des tampons sont en libre service, non loin de brochures de prévention. Dessus, on peut lire des messages du type : “Groupe de parole pour les victimes d’excision” ou encore son équivalent “pour les femmes victimes de violences conjugales”. Car le lieu, rattaché au centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis, et financé à la fois par des fondations privées, l’Etat, et les collectivités locales, se divise en trois pôles : un planning familial, une unité “violences” et une unité “mutilations sexuelles”. Il n’est pas rare que les femmes qui poussent la porte de l’établissement – 35 par jour en moyenne soit plus de 10 000 consultations depuis l’ouverture – soient là pour les deux dernières. Enfin, pas officiellement : souvent, leur parole se libère après avoir fait de cette Maison un lieu où elles se sentent enfin chez elles. […]
Selon l’Observatoire départemental des violences envers les femmes, 36 000 habitantes du 93 de 15 à 59 ans ont déjà subi des violences conjugales – un chiffre, s’il est similaire aux statistiques nationales, qui n’en est pas moins alarmant. A cette situation s’ajoute celle de la crise migratoire : le département accueille nombre de femmes ayant fui le quotidien compliqué et violent de leurs pays d’origine. Autant de patientes pas forcément au courant de leurs droits, isolées, et a fortiori perdues dans leurs démarches, qu’elles soient médicales ou administratives. L’idée de la Maison des femmes est ainsi de centraliser un certain nombre de services, de façon à leur simplifier la tâche. […]
Affublée d’une robe en wax et d’une veste en jean, Mariame a tous ses effets avec elle, qu’elle trimballe dans de gros sacs plastiques. Elle a les traits tirés, pleure aussi de temps à autre. Parler de sa situation n’est pas chose aisée pour cette jeune femme pudique et très fatiguée, atteinte de drépanocytose. Elle est venue demander un certificat d’excision, qui pourrait appuyer sa demande d’asile. […]
Merci à Lilib