Réunions “non mixtes racisées “. Lilâ Le Bas, elle, ne regrette rien : “Cela ne pose pas de question. La laïcité ne crée plus de débat. Nous sommes clairs sur ce qu’on dit, comment on l’applique et comment on la défend dans les universités.” Sur ce sujet, le consensus existe en interne. “Nous avons un clivage frontal avec quelques anciens, héritiers de la gauche politique”, note l’un des huit conjurés “insoumis”, estimant que l’épisode de la salle de prière – qui ne s’est pas répété – “concerne la vie privée de quelques camarades”.
Cette conception de la laïcité, à rebours de ce qu’a toujours défendu l’UNEF, trouve son pendant dans la lutte contre le racisme. Tournant le dos à l'” universalisme”, l’organisation pense désormais en termes d'”intersectionnalité”, de croisement et d’intersection des différentes discriminations (sexuelles, mais aussi sociales et raciales).
C’est à ce titre que l’UNEF a soutenu le festival afro-féministe Nyansapo, organisé au printemps à Paris par l’association Mwasi, et dont une partie était “non mixte, réservée aux femmes noires”.
Anne Hidalgo, la maire de Paris – dont le premier adjoint est un ancien président de l’UNEF, Bruno Julliard –, a condamné cette initiative. En réponse, le syndicat a pris la défense des organisateurs du festival et affirmé que “la non-mixité militante n’est pas une discrimination”. Il ajoute : “Dire que la présence de Blancs est indispensable, c’est au fond l’idée qui est véhiculée par celles et ceux qui pensent que les personnes concernées par le racisme ne devraient pas avoir le droit de s’organiser entre elles.” Une position qui trouve sa traduction en interne. A plusieurs reprises, en effet, des réunions “non mixtes racisées “ont eu lieu dans le cadre du bureau national, le “gouvernement” du syndicat.
Clivage profond
Cette pratique est née sous le mandat de William Martinet, très sensible à ces thématiques. “C’est un outil parmi d’autres. Jamais il n’y a eu un progrès aussi rapide sur ces questions que depuis qu’on a monté ces réunions”, assure un militant.” Les membres “racisés” – Noirs et Maghrébins – de la direction ont demandé une non-mixité militante. “On l’applique sur des demandes spécifiques”, selon le récit d’une dirigeante. En clair, les “racisés” se réunissent pour parler des problèmes de discrimination qu’ils subissent en interne. La règle, pendant ces réunions, est de ne pas citer de nom, ni de tendance. Ensuite, les problèmes soulevés sont réglés collectivement en bureau national.
Pour se justifier, la direction souligne que des réunions non-mixtes pour les femmes existent depuis des années et que cela n’a jamais suscité de lever de boucliers. “Tout le monde a été favorable à ces réunions non mixtes -racisées. Personne n’a gueulé, indique une membre de la direction. Cela a permis de nous rendre compte, nous les dominants – les Blancs – , de pratiques inconscientes qu’on devait changer.”
A en croire les unéfiens, le succès est tel qu’ils pensent généraliser cette pratique aux sections locales, sur la base du volontariat. Ce type de réunion n’est pas encore connu à l’extérieur de l’organisation, très méfiante lorsque l’on aborde le sujet. La “non-mixité politique” fait débat à gauche, et le clivage est profond entre ses partisans et ses contempteurs. Il y a fort à parier, d’ailleurs, que ces réunions feront hurler les anciens dirigeants.
(…) Le Monde
Voir aussi : Christophe Barbier : «La réalité disjoncte. L’UNEF organise des réunions interdites aux blancs.» (09/10/17)