Fuyant le régime d’Omar Al-Bachir, ils sont 15 000 à avoir obtenu l’asile. Rencontres dans leur quartier, à Paris.
En sortant du restaurant Le Prince, au métro La Chapelle, à Paris, Mohamad jette un œil au trottoir d’en face. On lui a dit que des agents de l’ambassade du Soudan traînent souvent en repérage dans ce coin du 18e arrondissement.
Même à 7 000 km de son pays, l’étudiant n’est pas serein. «Je dirai “ouf” quand j’aurai mon statut de réfugié… pas avant», soupire celui qui vient de faire traduire en français, sur le coin d’une table grasse au fond du boui-boui, le récit de ses persécutions pour établir sa demande d’asile. Il y a trois ans, Mohamad se serait senti bien seul en France, où les ressortissants de l’ex-colonie britannique ne s’arrêtaient pas. Mais cette époque est révolue.
Désormais, ceux qui fuient le régime dictatorial d’Omar Al-Bachir – au pouvoir depuis son coup d’Etat de 1989, en dépit de sa mise en accusation par la Cour pénale internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre durant la guerre du Darfour –, optent de plus en plus pour la France, dessinant les contours d’une nouvelle communauté. Avec quelques restaurants, des petites épiceries, un coiffeur, dans les rues Philippe-de-Girard et Pajol, Paris a même son quartier soudanais.
Après avoir été en tête des demandes d’asile en 2015 et en 2016, les ressortissants de ce pays sont 14 603 à bénéficier d’un titre de séjour, selon la direction des étrangers du ministère de l’intérieur. Si l’on y ajoute les premières vagues de réfugiés, qui ont aujourd’hui la nationalité française, et les déboutés de l’asile qui se sont installés sans titre, on arriverait à 30 000 Soudanais de cœur résidant dans l’Hexagone. […]