Face aux djihadistes, en respectant avec scrupules nos règles juridiques, prévues pour des délinquants de droit commun, nous montrons à nos ennemis que nous sommes incapables d’un sursaut.
Ils reviennent. Les hommes, mais aussi les femmes et les enfants. Les soldats de Daech rentrent en France dans leur prétendue patrie. Désillusionnés mais pas repentis. On les craint et on les surveille. Leur retour tombe mal. Ou bien. En pleine commémoration du massacre du Bataclan. Il y a deux ans déjà. Témoignages, chansons douces, lâchers de ballons.
Comment se reconstruire? interrogent les journaux. Pas comment défendre et reconstruire la France. Non, se reconstruire personnellement en tant que victime. Chacun veut bien être une victime mais personne ne veut être un bourreau. La guerre, que proclamaient alors nos dirigeants fiers-à-bras, est bien oubliée. Il n’y a plus de guerre par manque de guerriers. Tout le monde est victime, même les criminels, même la mère du criminel, même le frère du criminel.
C’est ce que nous a asséné, avec une emphase indécente, l’avocat Dupont-Moretti. Abdelkader Merah, le mentor de l’homme qui a assassiné des enfants parce qu’ils étaient juifs, et des soldats français parce qu’ils étaient musulmans, et donc «apostats», méritait donc la protection du droit. C’est notre honneur, nous a ressassé l’avocat. C’est la meilleure manière de ne pas tomber dans le piège que nous tendent les djihadistes, nous rassurent tous les défenseurs de la justice et de l’Etat de droit.
Drôle de dialectique: les djihadistes nous tueraient seulement pour montrer la face noire de notre démocratie ; sa face hideuse, répressive, totalitaire. Vieille dialectique qui rappelle celle des terroristes d’extrême gauche des années 1970. Dialectique marxiste qui avait en commun avec nous un fondement philosophique occidental et démocratique. Rien à voir avec les djihadistes qui tuent pour tuer, terrorisent pour terroriser, massacrent pour effrayer, affaiblir, montrer leur force. Et montrer la faiblesse de leurs ennemis.
En respectant avec scrupules nos règles juridiques, prévues pour des délinquants de droit commun ; en croyant naïvement que chaque djihadiste est un malade qu’il faut soigner, «déradicaliser», qu’il n’est qu’un individu pris dans «une mauvaise passe» ; en refusant une remise en cause de l’islam, qui n’est pas seulement une religion, mais aussi un système juridico-politique, nous cultivons nos démons qui s’appellent un culte fétichiste du droit et un psychologisme obsessionnel. Nous montrons à nos ennemis que nous sommes incapables d’un sursaut, incapables de renoncer à la douceur féminine mais émolliente de nos valeurs pacifiques. Ils ne nous en admirent nullement, contrairement à ce que nous laisse croire un complexe de supériorité désuet ; ils nous en méprisent encore davantage.
«Pas de liberté pour les ennemis de la liberté», avait clamé Saint-Just, alors que «la patrie (était) en danger». Nous préférons proclamer à la face de nos ennemis: «Vous n’aurez pas ma haine.»
Merci à valdorf