Dirigé par Léonora Miano, “Marianne et le garçon noir” interroge le vécu d’hommes noirs à l’heure des affaires Adama Traoré et Théo Luhaka.
Le garçon noir est-il l’exception à la devise républicaine? Il devrait être l’égal ou le frère de Marianne. Le plus souvent, c’est une figure inquiétante, dangereuse, lubrique, marginale. L’écrivaine franco-camerounaise Léonora Miano ne cesse d’explorer la condition postcoloniale dans ses romans et veut ébrécher cette perception. Pour elle: “On ne peut pas ignorer des catégories entières de la population, qui, à force de silence sur leur expérience, vont finir par ne vivre que d’amertume.”
Le déclic remonte à 2016, avec la mort d’Adama Traoré, retrouvé asphyxié à la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise). Quelques mois plus tard, le jeune Théo Luhaka est victime d’un contrôle de police particulièrement violent à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). C’est pour riposter que Léonora Miano va imaginer «Marianne et le garçon noir», un ouvrage collectif publié chez Pauvert. Des auteurs d’ascendance subsaharienne y racontent de l’intérieur «l’expérience commune de la violence systémique».
L’écrivaine l’explique dans son introduction: “Il fallait bien un livre, celui-ci, pour commencer à réfléchir au grand dérangement que semble encore susciter la présence noire en France.“
Présentation de l’éditeur :
Marianne et le garçon noir veut apporter une parole de l’intérieur sur l’expérience des noirs de sexe masculin dans la France de notre temps, en particulier sur le sol hexagonal. Plus largement, c’est sur la présence noire que se penche l’ouvrage, afin d’en explorer les particularités dans l’espace français. Les contributions sont de divers ordres, mais elles prennent appui, pour l’essentiel, sur le vécu des auteurs. Le projet est né à la suite de violences policières impliquant des jeunes hommes noirs. A partir du regard posé sur le corps, des fantasmes suscités par lui ou d’autres éléments, l’objectif est de rendre audible une parole sensible et politique, parfois inattendue, tant les représentations transmises depuis des générations sont réductrices. L’influence de Marianne se déployant au-delà de ses frontières déjà complexes – la France étant un grand archipel – il m’a semblé pertinent d’associer à cette prise de parole une voix subsaharienne. En effet, le garçon noir qui cherche à arracher sa souveraineté aux rets de l’entreprise criminelle connue sous le nom de Françafrique est, lui aussi, concerné. De plus, dans l’environnement mondialisé où les réseaux sociaux abolissent frontières et distances, le sort des Noirs en France ne laisse pas indifférent en Afrique subsaharienne.