Avant le discours du président Macron à Ouagadougou, les philosophes Achille Mbembé et Felwine Sarr estiment que la France reste un problème pour le continent et qu’il n’y rien à attendre d’elle pour les Africains.
Les deux auteurs de la tribune sont venus en France faire leurs études universitaires. Achille Mbembé obtient son doctorat en histoire à l’université de la Sorbonne en 1989. Par ailleurs, il est titulaire d’un DEA en science politique de l’Institut d’études politiques de Paris. Après des études primaires et secondaires au Sénégal, Felwine Sarr poursuit ses études supérieures à l’Université d’Orléans où il obtient un doctorat en économie en 2006.
[…] Mettons de côté les éventuels malentendus, les affects colériques, voire l’indignation. Un fait néanmoins demeure : la relation avec la France a été et reste problématique pour les Africains. […]La majorité des Africains n’attend plus, aujourd’hui, grand-chose de la France. Il reste à faire le pas suivant, c’est-à-dire comprendre qu’il n’y a rien à attendre du reste du monde que nous ne puissions nous offrir à nous-mêmes.
Devons-nous, par ailleurs, faire semblant de ne point entendre la clameur qui monte, s’agissant du rôle qui lui est imputé dans la destruction de l’Etat libyen, laquelle aurait accéléré les dynamiques de désagrégation dans l’espace sahélo-saharien ? Ou encore les dénonciations répétées de sa politique migratoire et l’établissement de centres de triage humain à l’intérieur même des frontières de pays africains formellement souverains ?
Plus grave encore, dans quelle mesure l’externalisation des frontières de l’Europe a-t-elle transformé les Etats maghrébins en garde-chiourmes de l’Occident, attisant par là même le vieux fond négrophobe et non interrogé de leurs sociétés, puis canalisant et détournant leur propre ressentiment contre le mauvais objet, les Négro-Africains que ces Etats enferment dans des camps de fortune, dont ils se débarrassent en plein désert à la manière de déchets, lorsqu’ils ne les exposent pas à des pogroms et aux trafics d’un autre âge ? […]