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Avec bonne intention, celle de réduire l’inégalité entre les sexes dans les sciences, les universités de Suède exigent que dans les publications et cours académiques figurent au moins 40% de références à des auteurEs, quelque soit le sujet. Erik Ringmar, un historien/politologue a reçu ainsi l’injonction de rajouter un ouvrage de Judith Butler pour augmenter son quota. Une mauvaise manière contre laquelle la célèbre philosophe américaine, pionnière des études de genre, a protesté.

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Puis c’est un collègue, Mårten Torson Lindberg, et ancien étudiant doctorant d’Erik Ringmar (il suivait le fameux cours en question “La société moderne et ses détracteurs”) qui a pris le relais. Et là, il a eu cette idée brillante, celle d’interroger Judith Butler elle-même pour savoir ce qu’elle pensait de cette affaire. Un long échange transatlantique par mail qu’il a publié intégralement (avec cette phrase en exergue : “Judith Butler à propos du conflit de genre à l’université de Lund : ‘La méthode est répréhensible’.”) avant d’être repris par le quotidien de Munich, la Süddeutsche Zeitung, sous le titre sans ambiguïté de “Judith Butler contre l’Université de Lund”. De la réponse, très longue et argumentée de la philosophe américaine, théoricienne de la construction sociale des sexes, voici quelques formules radicales :
“Je proteste contre l’utilisation de mon nom à ce sujet… La liberté académique donne à l‘enseignant en université le droit de réaliser ses cours selon son propre jugement professionel… Je m’oppose à l’idée d’attendre des enseignants qu’ils doivent travailler avec des textes et auteurs fléchés… La méthode ne convient pas et le but voulu (l’intégration de femmes dans les corpus scientifiques, ndlr) ne peut être atteint par la contrainte. La liberté académique est particulièrement importante par les temps qui courent où des formes autoritaires de gouvernance se repandent…. Ces quotas, tentatives d’atteindre l’objectif par un raccourci, n’amènent jamais à une société mue par la justice. Nous n’obtiendrons une société juste que par la liberté et toute idée de justice qui nous refuse la liberté nous refuse également la justice même.”

Après cette déclaration sans équivoque, le débat est sorti des murs de l’université de Lund et de ceux de la Suède…

Désormais, Erik Ringmar attend, “maintenant que l’affaire est connue en Norvège, en Allemagne ou en France” de savoir ce “que pensent ses étudiants de ses cours”.
Comme au Royaume Uni ou aux Etats-Unis, les enseignants des universités suédoises sont évalués par les élèves, une déclinaison intéressante de la démocratie et de la citoyenneté. Erik Ringmar livre les appréciations avec les précautions d’usage parce qu’elles pourraient être faussées par le retentissement de l’affaire et par le faible nombre de votants.

“66,7% des étudiants ont attribué à mon cours la note « Très bien » (la plus élevée sur une échelle de cinq points)
86% des étudiants ont qualifié mes conférences et séminaires de ‘Très bien’ ou ‘Excellent’, ce qui en fait l’un des plus appréciés du département de sciences politiques de l’université de Lund.
Assez étrangement, cette évaluation est très semblable à ce que les étudiants m’ont dit au premier semestre 2017, avant que le cours ne devienne une cause célèbre.”
Les commentaires regorgent aussi de superlatifs tels que “meilleur”, “enthousiasmant”, “stimulant”,”inhabituel”, sauf celui d’un dissident qui a trouvé ces quelques mois “très mauvais”, mais sans expliquer pourquoi.
On aurait bien aimé savoir si c’était pour l’absence de références féminines, en particulier celle de Judith Butler.
Cela aurait relancé la discussion.
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TV5Monde

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