C’est l’une des conséquences des difficultés économiques et politiques que traverse l’Algérie. L’émigration, qu’elle soit légale ou clandestine, s’accroît. Selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), entre janvier et fin octobre, 6 397 Algériens sont arrivés illégalement en Europe par les routes de la Méditerranée. Entre juillet et septembre, les Algériens faisaient partie des cinq principales nationalités d’arrivants après la Syrie, le Maroc, le Nigeria et l’Irak.
C’est l’Espagne notamment, confrontée à une hausse générale des arrivées de migrants sur ses côtes cette année, qui a tiré la sonnette d’alarme. Les bateaux de harraga (« ceux qui brûlent les frontières ») se sont entre autres multipliés dans la région de Murcie. Le ministre de l’intérieur espagnol a rencontré l’ambassadrice d’Algérie à Madrid sur ce sujet.
Les départs d’Algériens vers l’Italie sont également en hausse. Rome a annoncé arrêter en moyenne entre trois et huit Algériens en situation irrégulière chaque jour depuis plus d’un an. Début décembre, le ministre algérien des affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a rencontré son homologue italien à Rome afin de s’accorder sur « l’impératif » d’une concertation « régulière » sur la question de la migration.
La hausse des départs ou tentatives de départs est suffisamment importante pour que les autorités algériennes elles-mêmes s’en inquiètent. Entre le 16 et le 18 novembre, 286 personnes ont été interceptées par les garde-côtes algériens. Le ministère de la défense a souligné dans un communiqué « l’ampleur prise par les tentatives de quitter le territoire national de manière illégale ». En 2015, selon les chiffres de l’armée, 1 500 personnes ont été arrêtées alors qu’elles tentaient de quitter le territoire par la mer. En 2017, au 26 novembre, elles étaient 4 913.
Si ces chiffres sont faibles comparés au flux des migrations venues d’Afrique subsaharienne, ils illustrent une tendance, un malaise. « La migration ne s’est jamais arrêtée, mais on a aujourd’hui le sentiment que les Algériens veulent fuir le pays. L’envie de partir semble présente plus seulement chez les jeunes, mais aussi chez les vieux, les riches ou les pauvres, les familles », note le sociologue Nacer Djabi. Le rythme des départs s’était ralenti dans les années 2000, sous l’effet des contrôles renforcés mais aussi, à partir de 2011, en raison des annonces faites par le pouvoir dans le sillage des printemps arabes. Une partie des Algériens a pensé qu’une ouverture du régime pourrait se produire. En outre, des sommes importantes ont été débloquées par Alger pour calmer une éventuelle grogne populaire : à travers des augmentations de salaires et des financements de projets pour les jeunes. « Mais, aujourd’hui, la situation économique se dégrade. Et il ne s’agit pas seulement des faits, mais aussi du discours gouvernemental qui a inquiété », souligne M. Djabi.
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