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Les vigilants sont de retour. Interdiction de la cigarette dans les films, limitation de vitesse sur les routes, traque aux « dérapages racistes ou sexistes », la police du langage et des moeurs impose chaque jour son nouvel ordre moral. Penseur libéral-libertaire assumé, Gaspard Koenig s’oppose à cette dérive normative et prône, au contraire, un individualisme radical.

[…]

Sommes-nous en train de basculer vers un politiquement correct à l’américaine ?

Paradoxalement, sur le plan strictement légal, la liberté d’expression y est beaucoup moins limitée qu’en France ? Le mouvement des safe spaces qui s’est développé dans les universités américaines et gagne aujourd’hui le Vieux Continent est très inquiétant. Au nom du respect de l’autre, une minorité d’hystériques fait régner la terreur sur les campus, tournant en effet le dos aux valeurs du premier amendement. […] Au-delà de la question légale, c’est donc paradoxalement aujourd’hui la tâche du Vieux Continent de préserver la conception anglosaxonne de la liberté d’expression qui nous vient de John Stuart Mill : pouvoir tout dire, devoir tout réfuter. Savoir choquer et aussi encaisser.

La liberté d’expression n’est pas faite pour tenir des propos courtois et raisonnables. Elle peut et doit admettre les débordements les plus excessifs, avec comme seule limite l’attaque ad hominem (insulte, diffamation, appel à la violence).

Voilà pourquoi je suis opposé à l’offensive actuelle de « régulation » des réseaux sociaux. Comme le dit Jamel Debbouze : laissons parler les imbéciles ! Si vous ne voulez plus les entendre, il suffit de vous déconnecter. […]

Dans votre livre, vous évoquez la figure de Voltaire qui, pour vilipender le clergé catholique, avait dû feindre de s’en prendre à la religion musulmane dans Le Fanatisme ou Mahomet le prophète. L’affaire Plenel/Charlie Hebdo montre-t-elle qu’il faudrait désormais caricaturer les catholiques pour critiquer l’islam ?

C’est le risque ! Au niveau légal, je considère qu’on se sert frauduleusement de la laïcité pour réprimer l’expression des croyances, et qu’il faudrait être davantage tolérant sur les signes religieux dans l’espace public, conformément à l’esprit originel de la loi de 1905 : il ne faut pas sous-estimer le sentiment de discrimination de la communauté musulmane, de même que le ras-le-bol des catholiques à qui l’on retire la croix de Ploërmel. Mais sur le plan moral, je déplore qu’il n’y ait plus dans le débat national de bouffeurs de curé – et d’imams – fidèles à notre tradition anticléricale. Il faut dénoncer la superstition sous toutes ces formes. On finirait par oublier que Dieu est mort ! […]

Le Figaro

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