REPORTAGE – À Paris, des centaines de demandeurs d’asile piétinent devant un centre engorgé. Les riverains sont à bout.
«Le trottoir des 40.000», l’ont baptisé les riverains. Car depuis près de deux ans, ils ont compté que 40.000 personnes avaient dormi, parfois plusieurs nuits d’affilée, sur une centaine de mètres de ce boulevard. Aujourd’hui, ces habitants sont «à bout». Le 18 décembre, ils attendent «les élus de tous bords» pour signer leur pétition. «Sans un engagement clair sur la fermeture du système avant le 1er janvier», ont-ils écrit au président de la République, ils entameront une grève de la faim.
Étape indispensable pour les demandeurs d’asile primo-arrivants isolés, cet unique centre – un autre existe à Paris pour les familles -, géré par France Terre d’asile, délivre, chaque matin, un certain nombre de rendez-vous, pour l’examen de leur dossier, dans l’une des huit préfectures d’Île-de-France. Mais, devant l’afflux de migrants, il est perpétuellement engorgé. Sous le métro aérien, des grilles empêchent désormais l’installation de campements de fortune… et la traversée des riverains.
Il est 7 h 30, un camion de police vient de se garer devant la Pada, mais cela n’empêche pas les hommes de s’empoigner. «Je ne pensais pas que ce serait si difficile!, souffle Mahdi, un Syrien de 47 ans. Tous ces gens qui se battent pour une meilleure place… on dirait des animaux.» Quatre ou cinq femmes se trouvent parmi la foule, accrochées à leur baluchon. «Il y a trop de garçons, et les Afghans, ils font des problèmes!, affirme Bachar, un jeune Somalien venu apporter du thé. Hier soir, une Soudanaise a vomi ; elle n’en pouvait plus d’être malmenée. Tout ça dans une odeur épouvantable, car certains ne se sont pas lavés depuis des jours.» Une altercation et quelques coups de poing plus tard, les barrières glissent, des migrants se prennent les pieds dedans, en entraînant d’autres dans leur chute. «Du calme!», crie un policier. «On est là tous les jours de 7 heures à 23 heures, pour s’assurer qu’ils ne se battent pas, explique-t-il. Si on peut éviter les gaz, on évite, car il y a les femmes enceintes, les riverains…»
Salarié de la Batscop, une entreprise toute proche, Philippe Michielin renchérit: «Cela devient invivable. Le matin, on doit enjamber les matelas devant notre porte. On ne peut plus recevoir de clients. Deux de nos collaborateurs, des Blacks, se font régulièrement interpeller. Et le pire, c’est que ça radicalise la population.» Lors des réunions du collectif, s’inquiète Marie, «des commerçants ont dit qu’ils allaient acheter un fusil ; qu’ils s’en fichaient d’aller en prison, car c’était ça ou la clé sous la porte…» Brahim Saidoun n’en est pas là. Mais le patron du café L’imprévu, en face de la Pada, s’alarme de voir son chiffre d’affaires baisser: «de moins en moins de monde vient déjeuner», déplore-t-il.
Merci à vamldorf