La ville de Marseille disposera dès 2018 d’un algorithme d’analyse des données urbaines, en vue de prévenir les risques de troubles à l’ordre public.
L’analyse de données numériques peut-elle contribuer à prévenir les troubles à l’ordre public ? Quels risques soulève-t-elle quant aux libertés publiques ? Alors que de nombreuses collectivités en France misent sur les plates-formes de données pour optimiser les déplacements et l’empreinte énergétique urbaine, la ville de Marseille annonce la création d’un outil d’analyse pour « garantir de manière plus efficace la sécurité et la tranquillité publique des citoyens ».
Baptisé « Observatoire de la tranquillité publique », ce centre de supervision est inédit dans une grande ville française. Selon la ville de Marseille, il recueillera l’ensemble des données publiques disponibles : mains courantes de la police municipale, captations des caméras de surveillance, informations relevées par les marins-pompiers ou les agents des espaces verts…
Anticiper les risques
Au-delà de la collecte, l’outil développé par Engie Ineo, vise à analyser ces informations et les croiser avec d’autres données, comme celles des opérateurs de téléphonie mobile, de transport public, de l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille), pour « mieux anticiper les risques ». « Nous allons également utiliser les données de météo et les grandes tendances des réseaux sociaux dans une finalité de sécurité », explique Caroline Pozmentier, adjointe au maire en charge de la sécurité publique, qui évoque un « big data de la tranquillité publique, premier pilier de la smart city marseillaise ».
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Des choix politiques
L’utilisation d’algorithmes s’est généralisée ces dernières années dans la police, notamment dans le cadre des enquêtes pour cibler une personne en croisant les données relatives à un crime. En France, la police et la gendarmerie nationales se sont chacune dotées de tels outils. Aux Etats-Unis, plusieurs villes ont adopté le logiciel d’aide à la décision PredPol qui détermine les zones à plus fort risque de criminalité en analysant la géolocalisation des crimes passés.
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Impact sur la vie privée
La mise en place de ce type d’outils par une municipalité pose aussi des questions relatives aux libertés publiques. Pour Félix Tréguer, membre de la Quadrature du Net et habitant de Marseille, « c’est la logique même de ces outils qui doit être interrogée. L’idée selon laquelle la technologie va résoudre des problèmes sociaux et qu’en investissant des milliers d’euros, on arrivera à garantir la sécurité, représente un leurre. Des études ont montré aux Etats-Unis à quel point ces programmes renforcent des biais tels que la discrimination liée à la couleur de peau. On assiste à un saut en avant technologique lié au big data qui entraîne la possibilité de croiser toutes ces données issues de bases diverses. Même si au début on nous vend des dispositifs encadrés, on constate une accoutumance à ces systèmes qui banalisent la société de surveillance. »
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