Les Schtroumpfs noirs sont-ils une œuvre raciste? Depuis la parution du Petit Livre bleu. Analyse critique et politique de la société des Schtroumpfs (2011) d’Antoine Bueno, ouvrage parodique, mais souvent lu et chroniqué au premier degré, la question semble entendue. Si la dénonciation de l’univers créé par Peyo comme un «archétype d’utopie totalitaire empreinte de stalinisme et de nazisme» prête à sourire, en revanche, le racisme de l’album de 1963, qui oppose deux groupes, l’un violent et invasif, l’autre pacifique, par la couleur de l’épiderme, paraît plus convaincant. A sa suite, plusieurs articles détaillent les rapprochements entre les traits des Schtroumpfs noirs, agressifs, dépourvus de langage, voire dotés de penchants cannibales, avec la représentation caricaturale des Africains dans l’Europe coloniale, déjà largement illustrée par Tintin au Congo (1931). Pour faire bon poids, la critique ajoute volontiers dans la balance le sexisme de la Schtroumpfette, ou encore l’antisémitisme supposé du dessin du méchant sorcier Gargamel.
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Cette dynamique peut être comparée au motif raciste du «grand remplacement», qui décrit une menace invasive substituant une population allogène à une population originelle. Mais ce motif est lié en Europe à l’histoire de l’antisémitisme, et sa transformation en conspiration arabo-musulmane est récente. De nombreux lecteurs rapprochent avec plus de vraisemblance l’album des Schtroumpfs noirs du récit de zombies, basé sur un effet de contamination biologique.
Le modèle du genre, le film de George Romero, Night of the Living Dead (La Nuit des morts-vivants), date de 1968, trop tard pour inspirer l’album. En revanche, la plupart des traits du récit des Schtroumpfs noirs correspondent à l’intrigue du roman publié en 1954 par Richard Matheson, I am Legend, source de la mythologie zombie.
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Blog d’André Gunthert, Maître de conférences de l’EHESS
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