L’Italie offre-t-elle un “modèle” possible d’intégration aux migrants ? Interview de Luigi Manconi, sociologue spécialiste de l’immigration, sénateur et président de la Commission pour les droits de l’homme au Parlement de Rome.
Troisième erreur, la plus grave : elle vient d’être commise par le Parlement, qui a refusé il y a quelques jours de voter le “jus soli”, le “droit du sol” pour les 800.000 enfants de migrants nés en Italie et italiens à part entière, qui réclamaient le droit à la citoyenneté. C’est un délit politique et moral. Qui fait sentir aux Italiens de vieille souche, dont je suis… la honte d’être italien.
Les pays membres de l’Union européenne ont-ils selon vous les moyens économiques, sociaux et politiques de planifier un véritable accueil des migrants ?
Oui. N’oublions pas que l’UE a versé, ou promis de verser, à la Turquie une somme considérable qui atteindra les 6 milliards d’euros au bout du compte. Ces 6 milliards auraient pu être investis dans des politiques judicieuses d’accueil et d’intégration. L’intégration est coûteuse, je le reconnais, mais au moins elle représente une perspective à long terme : exactement le contraire du choix provisoire et chèrement payé de la fermeture des frontières avec la Turquie.
Puis, pour rester dans le long terme, l’Europe devrait se convaincre que ses 500 millions d’habitants actuels se réduiront de plusieurs millions d’ici à 2050. Comment enrayer ce déclin démographique ? Elle devrait savoir aussi, l’Europe, que le seul Nigeria aura bientôt à lui tout seul autant d’habitants que tout le Vieux continent. On va les laisser crever dans leur Afrique natale ? C’est sur ces chiffres incontestables qu’il convient de raisonner, avec pragmatisme. Et bâtir ainsi une politique. […]
Sans vouloir dresser une liste des “bons” et des “méchants”, quels sont selon vous les pays les plus sensibles à cette politique d’accueil que vous préconisez ?
Ce n’est pas parce que je suis italien que je le dis, mais il est clair que mon pays est en tête des pays européens les plus ouverts aux immigrés. C’est une évidence. Parce qu’il subit de plein fouet la vague migratoire (180.000 en 2016, 110.000 en 2017) et est contraint d’inventer des solutions. Suit l’Allemagne. […]